• HLCÉ

Domaine du Ry d’Argent : 20 millésimes de vin belge pour Jean-François Baele

Made in BelgiumVinVin Belge

Martin Boonen

11 September 2025

Pionnier discret mais déterminé de la viticulture wallonne, Jean-François Baele fête cette année les vingt ans du Domaine du Ry d’Argent, qu’il a fondé à Bovesse, près de Namur. Entre tradition et innovation, cet ancien agriculteur reconverti en vigneron accompli n’a pas tranché. Rencontre avec un homme de terroir, qui jongle avec adresse entre un pragmatisme économique indispensable et une recherche minutieuse du meilleur goût pour ses vins. Un équilibre qu’il trouve, millésimes après millésimes, depuis vingt ans !

Eventail.be – Pouvez-nous raconter votre parcours et l’histoire du domaine ?
Jean-François Baele –
Oui, bien sûr. Je suis fils d’agriculteur, ici, dans la province de Namur, à Bovesse plus précisément. J’ai choisi de diversifier l’exploitation familiale, qui était axée sur les vaches laitières (des Blanc-Bleu) et les cultures traditionnelles. En 2005, on a pris le pari un peu fou de se lancer dans la viticulture. L’idée était de réintroduire la vigne avec à la fois des cépages interspécifiques (des cépages dit “résistants”, plus adaptés au climat belge, ndlr) et des cépages plus classiques. L’objectif était de valoriser notre terroir et de créer une activité économique plus saine que ce que proposait alors le secteur laitier. J’avais besoin de trouver une façon de donner de la pérennité à cette exploitation que je voulais reprendre.

– En 2005, diversifier son activité agricole en faisant du vin, ce n’était pas ce qu’il y avait de plus naturel ?
Ce n’était clairement pas le plus simple, ni le plus évident. À Émines le négociant et éleveur Philippe Grafé (de la célèbre maison de négoce Grafé Lecoq) s’est installé juste à côté de chez nous pour créer son propre domaine : le Domaine du Chenoy. En 2003, il rachète la ferme voisine et y plante uniquement des cépages interspécifiques. Comme tout voisin agriculteur, j’ai observé ça avec curiosité. À l’époque, c’était aussi surprenant que si je vous disais aujourd’hui que j’allais planter dix hectares de bananes (rires) ! Philippe m’a pris sous son aile. À l’époque, ils commencaient, avec José Happart, alors ministre de l’Agriculture, à réfléchir à la création des appellations et AOC viticoles en Wallonie. J’ai fait mon travail de fin d’études avec Philippe, et c’est là que j’ai vraiment appris les bases du métier. Philippe et le Domaine du Chenoy ont poursuivi sur la voie des cépages interspécifiques, mais moi, l’expérience m’a appris qu’il faut aussi miser sur des cépages plus classiques.

Sebastien Roberty

– Pourquoi ?
L’expérience m’a montré que si les cépages interspécifiques sont intéressants sur le plan agronomique, ils rencontrent encore une forme de résistance commerciale. Le goût reste peu familier pour beaucoup de consommateurs. Or, le vin doit aussi séduire. J’ai donc choisi d’intégrer des cépages classiques, comme le chardonnay, pour répondre aux attentes du marché. C’est un choix que les concours internationaux valident : mes cuvées issues de cépages traditionnels sont régulièrement récompensées. Cela n’empêche pas l’expérimentation, mais elle doit rester compatible avec les réalités économiques.

– Comment avez-vous construit votre domaine au fil des ans ?
Après le premier hectare planté en 2005, j’en ai ajouté deux en 2006, puis encore deux en 2007. Mais j’ai ensuite marqué une pause de sept ans. Il faut savoir que la vigne ne produit pas immédiatement : entre l’investissement et les premières vendanges rentables, il faut du temps. Pendant cette période, j’ai travaillé à l’extérieur pour subvenir aux besoins et apprendre. Ce rythme m’a permis de bâtir le domaine sur des bases solides, sans précipitation. J’ai également lancé une activité de champagnisation qui m’a permis de continuer à investir dans le domaine.

– Justement, vous êtes aujourd’hui reconnu comme un spécialiste de la champagnisation en Belgique. Comment s’est développée cette compétence ?
En 2010, j’ai voulu produire mes propres bulles, destinées à la restauration haut de gamme. Mais pour réussir, il fallait disposer d’un outil de production complet, capable d’assurer une vinification en méthode traditionnelle. Or, l’investissement nécessaire était lourd. J’ai donc proposé à d’autres domaines de venir champagniser chez moi. Cela répondait à une demande réelle : certains, comme à Mellemont, devaient alors envoyer leurs vins au Luxembourg, ce qui posait des problèmes d’étiquetage et de traçabilité. Pour du vin belge, cela créait de la confusion vis-à-vis de la clientèle. Grâce à cette activité de prestation, nous avons pu acquérir un matériel performant tout en générant un flux de trésorerie régulier.

Sebastien Roberty

– Vous continuez à cultiver à la fois cépages interspécifiques et traditionnels. Depuis vingt ans, quels enseignements en tirez-vous ?
C’est une question de nuance. Oui, les interspécifiques sont plus résistants, notamment sur le feuillage. Le solaris, par exemple, nécessite peu de traitements. Mais il est précoce, monte vite en sucre, attire les insectes, et peut développer du botrytis. En revanche, les cépages traditionnels sont plus exigeants au vignoble, mais nettement plus faciles à vendre. Je le vois aussi dans mes missions de conseil : aucun vigneron ne me demande de planter de l’interspécifique après dégustation. La facilité de culture ne compense pas la difficulté commerciale. Personnellement, je continue à planter du chardonnay. J’ai même étudié le voltis (une version présentée comme résistante du chardonnay, ndlr) mais le retour gustatif n’est pas convaincant.

– Certains spécialistes comme Éric Boschman estiment que les interspécifiques pourraient porter l’identité des vins belges. Partagez-vous cette vision ?
C’est une piste théorique intéressante, mais je pense qu’elle restera marginale. Les locomotives du vignoble belge, qu’il s’agisse de Chant d’Éole ou de Ruffus, sont plantées majoritairement en cépages traditionnels. Les interspécifiques ont leur place, mais l’identité belge, si elle doit exister, passera probablement par une appropriation intelligente de cépages classiques.

– Avec vingt ans de recul, quelles sont les évolutions majeures que vous constatez dans le paysage viticole belge ?
La première, c’est la fin de l’isolement. Aujourd’hui, on peut échanger, comparer, apprendre les uns des autres. Il y a plus de concurrence, certes, mais elle est stimulante. Les fournisseurs nous prennent au sérieux, les salons dédiés aux vins belges se multiplient, et le public est plus curieux. Sur le plan climatique, je n’ai connu que deux mauvaises années en vingt ans. Si le réchauffement se poursuit, il pourrait favoriser certaines parcelles belges, même si cela reste un sujet de préoccupation globale.

Sebastien Roberty

– Votre modèle vous permet aussi une grande souplesse de production. Comment l’avez-vous conçu ?
Dès le départ, j’ai opté pour une densité plus faible que celle pratiquée chez certains confrères (environ 4 200 pieds à l’hectare, contre 10 000 ailleurs). Cela me permet d’adapter ma production chaque année, selon les conditions. Si le millésime est bon, je peux produire de beaux vins tranquilles. Si l’année est plus difficile, je me tourne vers les effervescents. Cette flexibilité est essentielle pour maintenir la qualité tout en amortissant les aléas climatiques.

– Quelle est aujourd’hui l’étendue de votre gamme ?
Nous produisons deux vins rouges, deux blancs et un rosé. Les rouges sont vinifiés en fût et en cuve inox, les blancs suivent la même logique, et le rosé est élaboré en inox. Cela fait environs 20 000 à 25 000 bouteilles en vins tranquilles À cela s’ajoutent entre 30 000 et 40 000 bouteilles en méthode traditionnelle. Mais ces chiffres varient d’une année à l’autre, selon la qualité des raisins.

– Et la distribution ?
Nous privilégions la vente directe : au domaine, via notre site internet, avec enlèvement sur place ou expédition postale. Nous sommes également présents chez certains cavistes et dans le secteur HoReCa. Il y a vingt ans, les gens restaient méfiants vis-à-vis du vin belge. Aujourd’hui, des foires entières lui sont consacrées. Pourtant, dans mon propre village, certains ignorent encore que nous faisons du vin ici. Il reste du chemin.

Sebastien Roberty

– Quels sont vos projets pour l’avenir du Domaine du Ry d’Argent ?
Je souhaite développer davantage notre gamme de sélections parcellaires, en misant sur des vinifications plus précises, des durées de vieillissement sur lattes plus longues, des vins de réserve… L’objectif est clair : vendre tout ce que nous produisons, mais sans excès. Je ne veux pas devenir une usine à gaz. Peut-être planter deux ou trois hectares supplémentaires, pour sécuriser les volumes en cas d’année difficile. J’ai aussi créé une seconde société (BGP SRL, ndlr), qui valorise les raisins jugés moins nobles, en élaborant des produits pour la grande distribution ou l’export. Cela me permet de maintenir des prix justes sur mes cuvées haut de gamme.

– Et l’œnotourisme ?
C’est une dimension que je souhaite renforcer. Faire venir les gens au domaine, leur faire découvrir nos installations, nos méthodes, nos vins… C’est un levier de notoriété puissant. Et bien souvent, nos visiteurs repartent avec quelques bouteilles. C’est la meilleure façon de créer du lien.

Des boissons 100% belges pour conclure les vacances

Gastronomie & Oenologie

Entre les barbecues et les apéros en terrasse, on a beaucoup d’occasions de boire, pendant l’été. Bonne nouvelle : il y a moyen d’organiser des apéros 100% belges pour peu qu’on s’en donne la peine. La rédaction a sélectionné pour vous des boissons désaltérante avec ou sans alcool, de pures créations belges ou des alternatives locales aux produits importés, plus besoin d’aller voir ailleurs.

Extra informatie

Vignoble

Domaine du Ry d’Argent

Adresse

Rue de la distillerie, 51
5081 Bovesse

Advertentie

Mettez le terroir belge à l’honneur lors de vos barbecues !

Gastronomie & Oenologie

Les barbecues, ce n’est pas que de la viande ou du poisson, mais aussi des salades, de la nourriture à grignoter en attendant que les grillades soient à point, et des sauces originales pour les accompagner. La Belgique regorge de produits délicieux dont les ingrédients principaux sont issus de nos campagnes, pour allier originalité et produits locaux.

Alle artikels

Advertentie

Alle artikels