France, Paris
Du 30 avril 2025 au 18 août 2025
“Au vrai, on ne voit rien. Rien de précis. Rien de définitif. Il faut en permanence accommoder sa vue”, écrit Grégoire Bouillier des Nymphéas de Monet dans son roman Le Syndrome de l’Orangerie récemment paru. C’est de ce constat qu’est née l’exposition conçue par le musée de l’Orangerie pour, explique sa directrice, faire de cette notion du flou “une clé de lecture d’un pan entier de la création plastique moderne et contemporaine”.
Joseph Mallord William Turner, Paysage avec une riviere et une baie dans le lointain ou Confluent de la Severn et de la Wye, vers 1845, Musée du Louvre Paris © 2014 Grand Palais Rmn musée du Louvre Mathieu Rabeau
“L’indéterminé et le vague sont des moyens d’expression qui ont leur raison d’être et leurs propriétés ; par eux la sensation se prolonge”, aurait dit le peintre des Nymphéas1, qui n’emploie pas le terme de “flou” surtout utilisé d’abord en photographie. Attribué en son temps à une vision altérée par une maladie oculaire, l’imprécision des tons si caractéristique de l’œuvre tardif de Claude Monet apparaît, dès lors, bel et bien comme une intention artistique à part entière. Elle sera perçue très tôt par Vassily Kandinsky, le pionnier de l’abstraction, qui y verra la déliquescence de la figure en marche… Nombreux sont les artistes qui, à la suite de Monet, exploreront les métamorphoses du réel et développeront une “esthétique de l’instable” initiée, dès le milieu du XIXe siècle par William Turner, prophète de l’atomisation de la touche.
Albert Oehlen, Untitled 2016, Pinault Collection, photo : Simon Vogel, Courtesy of the artist and Galerie Max Hetzler, Berlin - Paris - London - Albert OEHLEN © Adagp Paris 2025
Outre l’érosion de la figure avec l’apparition de l’abstraction au début du XXe siècle, le flou sera aussi la marque de l’irreprésentable après la découverte des camps de concentration. Maître contemporain du flou, Gerhard Richter réalisera ainsi en 2014 quatre tableaux abstraits intitulés Birkenau ensevelissant quatre photographies prises en 1944 près du crématoire V d’Auschwitz-Birkenau. Privés de visage, les Otages de Jean Fautrier, ensevelis sous des hautes pâtes, procèdent de cette même disparition de la figure outragée, massacrée. Une “anonymisation induite par le flou” que l’on retrouve dans les installations de portraits mêlant victimes et bourreaux de Christian Boltanski.
“À la limite du visible, le flou, en même temps qu’il trahit une instabilité, crée [cependant aussi] les conditions d’un ré-enchantement”, nous disent les commissaires de cette exposition qui nous permet de plonger dans les vertigineux monochromes hypnotiques de Hans Hartung ou les toiles luminescentes de Nicolas Delprat.
1 Roger Marx, Propos rapportés de Claude Monet, 1901.
Photo de couverture : Hans Hartung, T1982-H31, 1982, Antibes, Fondation Hartung-Bergman © Collection : Fondation Hartung-Bergman © Hans Hartung / Adagp, Paris 2025
Exposition
Dans le flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours
Dates
Du 30 avril au 18 août 2025
Adresse
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries
Place de la Concorde (côté Seine)
75001 Paris
Site & Billetterie
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