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En direct de Cannes : "Anora", une Palme d’or de guérilla

CinémaFestival de CannesFilm

Corinne Le Brun

27 May 2024

Les films favoris ont été récompensés. Avec quelques (bonnes) surprises et des personnages féminins de premier plan.

Il y avait beaucoup de films. Vingt-deux en compétition pour la Palme d’or. Camille Cottin, parfaite dans le rôle de maîtresse de distribution de prix, ouvre la cérémonie de clôture, assez convenue, sur l’air de Star Wars. Les Etats-Unis sont bien là.

Sean Baker, le lauréat américain

À Brooklyn, une stripteaseuse, prostituée occasionnelle, comme dans Pretty Woman, tombe amoureuse d’un oligarque russe qui la demande en mariage. Elle va découvrir la grande vie. Rien ne se passe comme prévu. Cendrillon se retrouve dans la peau d’une sorte de Kill Bill. Anora est forte, elle doit de débrouiller avec la monde dans lequel elle vit. Sean Baker a fait appel à Mikey Madison, inconnue du grand public. Vue dans la série Better Things et Once upon a time de Quentin Tarantino, Mikey Madison est capable d’être drôle et de transmettre des émotions. Une révélation. Baker a écrit le scénario en pensant à elle.

Mikey Madison à Cannes cette année © Norbert Scanella/PanoramiC/Photo News

Comme dans ses deux films précédents – Red Rocket (2022), Florida Project (2017)-, il continue d’explorer la souffrance des marginaux. Anora aborde la violence faite aux femmes. L’héroïne se bagarre contre le patriarcat. Le résultat déborde d’énergie. « Un film drôle, envoûtant qui vous donne de l’espoir et vous brise le cœur » commente Greta Gervig, présidente du jury. Le géant George Lucas qui venait de recevoir la Palme d’Honneur des mains de Francis Ford Coppola, son ami et complice de toujours, passe le relais à la nouvelle génération. Aidé par la récompense suprême, Sean Baker devrait pouvoir continuer à faire des films indépendants dans son pays. La dernière fois qu’un film américain a gagné la Palme d’or, c’était en 2011 avec The Tree of life de Terrence Malick« Ce qui compte c’est l’expérience communautaire, rire et pleurer ensemble dans une salle cinéma. Je veux être libre. Je fais un cinéma de guérilla » conclut Sean Baker.

Coup double pour Emilia Perez

Un narcotrafiquant échappe à la police en changeant de sexe, aidé par une avocate lassée de défendre les barons de la drogue. Le tout est entrecoupé de chansons de danse au rythme terriblement communicatif. On n’attendait pas Jacques Audiard dans le registre. Pari réussi : il reçoit le Prix du jury. L’étonnante prestation de Karla Sofia Gascon, Zoé Saldana et Selena Gomez a conquis le jury. Elles reçoivent le prix d’interprétation féminine. C’est la première fois qu’une actrice trans remporte un prix au Festival de Cannes. Une récompense méritée.

Jacques Audiard © Borde/Jacovides/Moreau/Bestimage

Gore, le corps

La jeune réalisatrice française Coralie Fargeat a repoussé à l’extrême les limites du bon goût. The substance met en scène une Demi Moore prête à tout pour échapper au vieillissement. Le corps s’expose dans le gore – certaines scènes sont difficilement supportables à voir – et l’autodérision. The Substance a reçu le prix du scénario. Demi Moore, par sa performance, méritait, elle aussi, une prix d’interprétation féminine.

Coralie Fargeat et Demi Moore © Jacovides-Moreau/ Bestimage

Mélanie Laurent remet le prix d’interprétation masculine, à Jesse Plemons dans Kinds of Kindness du grec fantasque Yórgos Lánthimos.

Le prix de la mise en scène est attribué à Grand Tour de Miguel Gomes. Le film nous a beaucoup plu. Le cinéaste portugais nous fait le grand tour à travers l’Asie du Sud-Est : Birmanie, Thaïlande, Singapour, Vietnam, Philippines, Chine, Japon… En 1917, Edward, fonctionnaire de l’Empire britannique, débarque à Rangoon, où il est censé retrouver sa fiancée, Molly, pour l’épouser. Lâche, il décide s’enfuir. Déterminée à se marier, Molly part à la recherche d’Edward. Le noir et blanc, les jeux d’ombre et de lumière, la rencontre de personnages (et animaux) pittoresques rendent Grand Tour envoûtant, magique. Il fait coexister la souffrance et le message d’espoir.

Le Grand prix, sorte de médaille d’argent, couronne All We Imagine as Light premier long métrage de l’Indienne Payal Kapadia. La fresque de trois femmes qui vivent en colocation à Mumbaï, montre les entraves pesant sur les femmes dans la plus grande démocratie du monde. Un film tout en délicatesse, porté par un trio de femmes seules dans la ville de vingt millions d’habitants. « N’attendez pas trop pour inviter un autre film indien ! » lance la trentenaire dans le Grand Auditorium cannois. Depuis trente ans, aucun film du pays n’avait été présenté en compétition.

Payal Kapadia (Grand Prix pour « All we imagine as light ») © Christophe Clovis/Bestimage

Mohammad Rasoulof, couronné

La réalisatrice Nadine Labaki, membre du jury, a jugé bon d’évoquer la situation à Gaza et en Iran. Elle décerne un prix spécial du jury à Mohammad Rasoulof, le réalisateur iranien qui a fui son pays pour présenter sur la Croisette Les Graines du figuier sauvage. Un film exceptionnel, grand favori de la Palme d’or. Mohammad Rasoulof s’exprime tout en retenue : « Nombre de personnes de mon équipe se trouvent actuellement sous la pression des services iraniens, mon cœur est avant tout avec eux. Mon cœur est dans un état ambivalent, je suis à la fois très heureux que ce film soit montré et reconnu par ce prix, mais je suis aussi peiné par la catastrophe que vit mon peuple au quotidien. » Rasoulof a une pensée particulière pour les artistes actuellement maltraités par les mollahs.

Mohammad Rasoulof © Photo News

(Injustement) absent du palmarès, l’excellent 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde a obtenu la Queer Palm, un prix alternatif récompensant un long-métrage abordant les questions LGBTQ+. Le film du Roumain Emanuel Parvu montre les ravages de l’homophobie dans un pays où seule la beauté de la nature soulage du poids des traditions. Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé, ses parents ne le regardant plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer. Le jury de la Queer Palm était cette année présidé par Lukas Dhont, qui devait départager 18 longs métrages toutes sections confondues.

Enfin, Julie Keeps Quiet de Leonardo van Dijl remporte le prix Fondation GAN et le prix de la SACD à la Semaine de la Critique.

Photo de couverture : © Borde-Jacovides-Moreau/Bestimage

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