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"Les Damnés" : Roberto Minervini signe un western minimaliste

CannesCinémaFilmInterviewRéalisateur

Corinne Le Brun

26 March 2025

À mille lieues des westerns spaghetti et autres chevauchées spectaculaires, Roberto Minervini, dans “Les Damnés” se concentre sur l’humanité – ou la déshumanité – de ces personnages prostrés dans l’attente de l’ennemi. Sa caméra s’attache à filmer les visages, les gestes, les regards. Une magnifique intensité émane de ces « Damnés » où Dieu, la famille, les animaux et la peur s’entrelacent. Un film âpre et admirable, très justement récompensé à Cannes (Prix de la mise en scène, section Un certain regard). Rencontre avec Roberto Minervini sur la Croisette.

Epuré et contemplatif, sur fond de guerre de Sécession, on suit dans Les Damnés une petite troupe de volontaires nordistes à cheval dans une région alors inexplorée de l’Ouest américain. Pour sa première fiction, le documentariste italien Roberto Minervini met la focale sur le quotidien de ces hommes perdus au milieu d’un nulle part enneigé.

Eventail.be – Pour quelles raisons êtes-vous attiré par cette période de l’histoire américaine ?
Roberto Minervini –
J’ai effectué des recherches et des lectures, des journaux de guerre à la théorie politique de toutes les guerres, et, puis plus spécifiquement, la guerre de Sécession, des généraux aux militaires. J’ai plongé dans une multitude de documents pendant plusieurs années pour arriver au cœur de ce que signifiait être en guerre avec d’autres Américains.

Roberto Minervini © Olga Prudka

– Était-ce facile de trouver cette documentation ?
Il y a beaucoup de littérature autour de cela. C’est un sujet très vivant en Amérique, de nos jours. J’ai vu, même à travers mes documentaires, comment la plupart des perceptions font écho aux guerres civiles, présentes aujourd’hui. Certaines sont très explicites dans le film. À savoir, la nationalisation ou, plutôt, la souveraineté du christianisme. Ce débat est très pertinent. Aujourd’hui, certaines factions politiques parlent de revenir à la loi suprême du pays : la Bible.

– Les parallélismes entre aujourd’hui et le passé se manifestent aussi à travers le gentil et le méchant, le bien et le mal.
Aujourd’hui, quand vous ouvrez les journaux en Amérique, surtout les plus conservateurs, vous lisez à coup sûr des messages codifiés. Les migrants sont la cause de toutes sortes de problèmes dans les villes libérales. Des Vénézuéliens ont harcelé des femmes à New York, des Mexicains ont tué quelqu’un à Los Angeles… Cette équation est racontée tous les jours. J’ai voulu ramener l’idée du bien et du mal, autrement. Je souhaitais renverser ces récits trop souvent dominés par des schémas machiavéliques, où le bien s’oppose au mal, et où l’éradication du mal devient la justification ultime de la guerre. Ces films, qui privilégient l’idée qu’une cause juste légitime le meurtre, qui véhiculent des images d’héroïsme, de martyrs et d’une hypermasculinité toxique, ne font que déshumaniser le conflit. L’idée était donc de déconstruire ces représentations héroïques, de faire basculer le regard vers un autre aspect de la guerre, moins glorifié, plus intime, plus humain. Ces représentations nous ont amenés au 11 septembre et au 6 janvier. Mais aussi, elles sont une prémonition de ce qui va arriver avec les nouvelles élections. Le parallélisme est très clair dans mon esprit.

© Okta Film

– « In God we trust » est né pendant la guerre civile
Oui parce qu’il était un message d’unité. En réalité, ces troupes composées d’hommes issus d’horizons différents, ne savaient pas pour quoi elles se battaient. Le christianisme est devenu le crédo officiel des États-Unis. Afin d’unifier les États, il est le seul langage commun trouvé. Cette dialectique entre passé et présent me semblait une matière intéressante pour un film. Ce n’est pas une coïncidence qu’aux États-Unis, on parle à nouveau de la souveraineté du christianisme afin d’unifier les différents États. Cela me rend inquiet. L’Amérique est fortement divisée, et qu’importe le vainqueur des élections, cette personne le fera probablement en essayant de trouver des messages pour unifier les Américains (l’interview de Roberto Minervini s’est déroulé avant les élections américaines, ndlr).

– Comme les soldats, les acteurs, non professionnels, viennent aussi d’univers très différents
Certains interprètes ont une certaine expérience devant la caméra. Tim, Noah et Judah Carlson incarnent une famille chrétienne de l’élevage de chèvres qui était au centre de Stop The Pounding Heart (2014). Comme Tim Carlson, Jeremiah Knupp est également historien. Ils ont largement contribué à la recherche de documents factuels. Les autres ne sont pas professionnels. Ils comptent sur leur propre capacité à jouer. Et certains d’entre eux expriment même des opinions contradictoires. Ces dynamiques parlent peut-être de qui je suis également. Comme il y a très peu de scénario, les acteurs n’ont pas été formés. La performance personnelle, naturelle, a toujours été une qualité que je recherche quand je travaille. C’est mon travail de trouver les personnes capables de s’identifier aux personnages.

© Okta Film

– Vous travaillez entre l’Italie et les Etats-Unis
Ce film est un peu une métaphore de mon propre chemin de vie. Etant Européen, vivant en Italie, en Espagne, j’ai une vie très prévisible, routinière, profitant du calme de chaque jour. Et puis tout d’un coup, à cause de l’amour, j’arrive en Amérique. Je ne parle pas la langue. Dix mois plus tard, l’Amérique est frappée par les attentats du 11 septembre. Je vois la division, les diatribes raciales. Je suis un migrant, j’essaie de demander une carte verte. Je suis ostracisé. Tout d’un coup, il se passe quelque chose de très effrayant. J’ai été plusieurs fois interrogé sur mes motivations d’être en Amérique. Donc l’Amérique est en guerre : nous allons créer des ennemis à partir de tout le monde. La troisième partie de ma vie continue encore aujourd’hui, mais l’écho de ce moment effrayant m’a changé à jamais. Il résonne encore. Et je reste inquiet de tout ce qui peut arriver en Amérique. Je suis convaincu que chaque friction politique pourrait causer quelque chose de très violent. Parce que je l’ai vu et vécu. Voilà pourquoi je fais des films en Amérique. Parce que j’observe beaucoup, je continue à raconter des histoires sur ce que je vois.

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Séville

Informations supplémentaires

FIlm

Les Damnés

Réalisation

Roberto Minervini

Distribution

René W. Solomon, Jeremiah Knupp, Cuyler Ballenger

Sortie

En salles à partir du mercredi 26 mars 2025

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