Rédaction
04 December 2025
L’histoire d’Akan est le fruit d’une trajectoire familiale qui traverse près d’un siècle d’histoire marocaine. Tout commence avec Abbes Ibn Brahim Taarji (1877-1959), éminent Cadi (juge) et historien de Marrakech, qui incarna l’esprit du patrimoine maghrébin. Né dans une famille lettrée du Souss, il fut passionné d’histoire locale et dédia plus de 50 ans de sa vie à collecter des documents, produisant L’Encyclopédie biographique des personnages illustres de Marrakech et d’Aghmât en 11 volumes, un trésor sur les savants et figures de Marrakech, ainsi que des poèmes. Son œuvre, parue après sa mort, tel un rempart contre l’oubli, captura l’âme marocaine pour les générations futures.
La Villa des Orangers © Aine Friant Hoste
Son petit-fils Ahmed Benabbés-Taarji va rejoindre Guy Marrache en 1973 dans l’aventure du Groupe Tikida, fondé en 1968. Ce partenariat stratégique fit du Groupe Tikida l’un des acteurs majeurs du tourisme marocain, développant initialement une agence de voyages intégrée avant de se consacrer pleinement à l’hôtellerie.
Youssef Jalil Benabbés-Taarji incarne la nouvelle génération de la holding familiale © DR
Aujourd’hui, les deuxièmes et troisièmes générations sont incarnées par Jalil Benabbés-Taarji et son fils Youssef. Jalil, 65 ans et diplômé d’HEC Paris, est par ailleurs administrateur du Groupe Tikida, ancien président de la Fédération Nationale du Tourisme et de l’Association Nationale des Investisseurs Touristiques, ainsi que vice-président fondateur de l’Institut des Entreprises Familiales du Maroc. Youssef, 30 ans et diplômé de l’EDHEC Lille, directeur général adjoint chargé de l’Asset Management et du Développement chez Dar Taarji, représente l’avenir de cette lignée hôtelière, après avoir fait ses armes chez JLL à Paris puis à Londres. Le groupe familial gère aujourd’hui plus de 3 200 chambres réparties sur douze établissements, et employant plus de 3 000 collaborateurs.
Lancée officiellement en juillet 2025, “Akan, a Moroccan Collection” représente une rupture stratégique pour Dar Taarji. Après 35 années consacrées au développement de resorts de grande capacité en partenariat avec des opérateurs internationaux, la famille choisit d’investir dans un segment radicalement différent : l’hôtellerie de caractère intimiste.
© LDT/DWW
Le nom Akan puise ses racines dans la culture amazighe, où il symbolise le “corps” et la “structure”, évoquant à la fois l’architecture traditionnelle marocaine et la trame sociale tissée de solidarité. « Akan est une collection que nous mettons en lumière. Elle est le corps d’un Maroc vivant, dont chaque maison est une branche vibrante qui parle d’un lieu, d’une mémoire, d’un regard sur le monde », explique Youssef Benabbés-Taarji. Et d’ajouter : « Nous avons voulu honorer ces histoires singulières, en leur offrant un écrin exigeant, fidèle. Akan traduit un Maroc intemporel : c’est un projet d’avenir, mais aussi un hommage aux générations passées, à ces maisons, à ces savoir-faire, à cette culture qui nous ont façonnés. »
© Aline Friant Hoste
La philosophie d’Akan repose sur un luxe discret, enraciné et émotionnel. « Nous sommes anti-standardisation », affirme Youssef Benabbés-Taarji. « Dans d’autres groupes hoteliers internationaux, ce sont de petits détails qui vous rappellent que vous êtes à Mexico, Berlin ou Bali. Alors que chez nous, on sait qu’on est à la Villa des Orangers, on sait qu’on est aux Deux Tours. C’est une réinterprétation différente du Maroc et de l’hospitalité.»
Eros Abrile, directeur opérationnel d'Akan Collection © LDT/DWW
Cette approche singulière est orchestrée par Eros Abrile, directeur opérationnel de la collection, qui cumule plus de vingt-cinq ans d’expérience dans l’hôtellerie de prestige internationale. « Il ne s’agit pas d’aligner des établissements, mais de tisser un récit. Celui d’un Maroc vivant, pluriel, sensible. Celui d’un art d’accueillir qui traverse les générations », souligne-t-il. « Akan est une collection où chaque maison a son propre caractère. Mon rôle est d’accompagner cette diversité avec rigueur et fluidité, en veillant à ce que l’harmonie de chaque lieu serve pleinement l’expérience unique offerte à ses hôtes. »
Acquise en 2022, la Villa des Orangers constitue la première pièce de la collection. Ce riad des années 1930, d’une superficie de 3 500 m², fut construit pour un notable local avant d’être transformé en hôtel cinq étoiles en 1999 par les hôteliers français Pascal et Véronique Behérec. En 2001, l’établissement est le plus ancien Relais & Châteaux en Afrique et au Moyen-Orient.
© Aine Friant Hoste
Située aux portes de la médina, au pied de la Koutoubia, la Villa des Orangers propose trente-trois chambres et suites réparties autour de patios verdoyants. Trois piscines chauffées en saison, dont un bassin de seize mètres, un spa Nuxe avec hammam de 60 m², et un rooftop panoramique offrant une vue sur la Koutoubia et l’Atlas composent ses atouts. Sous la direction de Souheïl Hmittou, maître de maison, et avec la cuisine raffinée du chef Abdelilah Ighiri, l’adresse cultive un art de vivre feutré et cosmopolite.
© Aine Friant Hoste
Acquis en novembre 2024, Les Deux Tours occupent un domaine de près de trois hectares au cœur de la Palmeraie. L’architecture arabo-andalouse fut conçue en 1994 par Charles Boccara, architecte dont l’œuvre a marqué l’histoire récente de Marrakech. Initialement ensemble de villas privées, le lieu fut transformé en maison d’hôtes en 1998 par son fils Mathieu Boccara.
© Aine Friant Hoste
L’établissement compte quarante-quatre chambres et suites nichées dans des pavillons intimistes aux patios ombragés. Jardins luxuriants avec bassins, potager bio et oliviers centenaires créent une atmosphère de retraite secrète. Le chef Noureddine Moani y propose une cuisine de terroir utilisant les récoltes du potager. Mohamed Hejjaj assure la direction de cette adresse où, selon la formule consacrée, « le temps semble suspendu ».
© LDT
Dernière acquisition en date, finalisée en novembre 2025, El Fenn réunit quarante et une chambres et suites uniques réparties sur treize riads interconnectés, soit 2 700 m² de bâti au cœur de la médina. Fondé en 2004 par Vanessa Branson, galeriste et fondatrice de la Biennale de Marrakech, et Howell James, ancien haut fonctionnaire britannique, l’établissement fut créé à partir d’un riad en ruines découvert en 2002. Il est actuellement dirigé par Amine Belkhayat Zoukari.
© Moggi Photography
El Fenn se distingue par sa collection d’art contemporain qui compte des œuvres de Bridget Riley, William Kentridge, Terry Frost et David Shrigley. Un rooftop de 1 300 m² avec vue panoramique, trois piscines, spa, deux bars à cocktails et deux restaurants complètent l’offre. L’acquisition à 100% de la société Equilibrium par Dar Taarji marque l’entrée d’une dimension plus contemporaine dans la collection, tout en respectant les fondamentaux d’Akan. Le chef, quant à lui, propose une cuisine simple et sincère, issue de produits de la région
© Cécile Perrinet Lhermit
Akan se distingue radicalement du modèle Tikida. Là où le groupe familial opère des resorts de grande capacité en partenariat avec Riu Hotels et TUI, Akan se positionne sur l’hôtellerie de caractère intimiste avec des établissements de petite taille, entre trente-trois et quarante-quatre chambres, dotés d’une forte identité patrimoniale.
© LDT
« En fait, cela s’est un peu fait de manière fortuite », reconnaît Youssef Benabbés-Taarji à propos des premières acquisitions. « Nous n’étions pas forcément en train de chercher activement ; il y a eu alignement d’étoiles et des coups de cœur qui nous ont amenés vers ce nouveau segment d’hôtellerie. » Il précise que Marrakech constitue naturellement la base de départ : « Mon grand-père est né dans la médina de Marrakech, il a grandi a quelques rues de là où se trouve El Fenn, dans le quartier de Mouassine. C’est donc plus facile pour nous d’appréhender une nouvelle forme d’hôtellerie là où nous sommes, là où nous avons nos repères. »
© LDT
La collection ambitionne toutefois de s’étendre à d’autres villes marocaines. « Akan a se développer dans d’autres villes. Nous pensons notamment à Essaouira, Fès et Tanger pour commencer », indique Youssef Benabbés-Taarji. Le développement se fera par acquisition et par contrat de gestion, selon les opportunités.
© LDT
L’approche restera très sélective : il s’agit d’identifier des adresses au caractère unique, portant une histoire et une réputation forgées par la passion et l’exigence. « Les fondateurs et anciens propriétaires de nos trois maisons étaient tous passionnés, très attachés et très fiers de leurs créations. Ils n’auraient donc pas confié cela à n’importe qui », souligne Eros Abrile. « Les valeurs que la famille porte, ce qu’Akan représente, ont été l’élément déclencheur de leur disponibilité à la vente. »
Cette acquisition successive de trois icônes de l’hôtellerie marrakchie (toutes fondées par des investisseurs étrangers) par une famille marocaine confirme la montée en puissance de l’hôtellerie indépendante marocaine de prestige. Akan ne cherche pas la croissance rapide mais la pérennité et l’excellence, en s’appuyant sur des valeurs de discrétion, de sincérité et d’enracinement. Une philosophie que résume la devise de la collection : « Des lieux qui racontent, des liens qui durent. »
Photo de couverture : © LDT
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