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Rédaction

04 May 2015

© Droits réservés

Cette édition confirme donc la vitalité et la variété du cinéma coréen, qui était representé par dix longs métrages. Le film qui a remporté le plus de suffrages (et qui a obtenu le Mûrier d'or - l'équivalent local de la Palme d'or cannoise ou de l'Ours d'or berlinois) est Ode to My Father de J K Young, un cinéaste de 46 ans. Dans cette vaste fresque historique (126 minutes), l'auteur a voulu, explique-t-il, rendre hommage à la génération de ses parents dont les sacrifices ont permis le développement d'un pays aujourd'hui prospère. A travers l'expérience du jeune héros, nous revivons la guerre de Corée (1950) et ses séquelles, puis la guerre du Vietnam dans laquelle le garçon, pour des raisons purement matérielles, s'engage comme volontaire. Ce qui m'a notamment intéressé dans Ode to My Father, c'est la découverte d'un épisode – certes marginal – de l'histoire coréenne qui m'était totalement inconnu. Après la guerre de Corée, un certain nombre de jeunes Nord-Coréens, chassés de leur pays par l'invasion chinoise, se trouvaient dans une telle situation de misère qu'ils sont partis en Allemagne pour y trouver du travail dans les mines de charbon. Sorti là-bas l'an dernier, le film y a trouvé un accueil enthousiaste puisqu'il a été vu par 14 millions de spectateurs coréens.

Ode to my father © Droits réservés

J'avais déjà parlé du deuxième film consacré par le jury populaire d'Udine, The Royal Tailor de Lee Won-suk. Là, nous sommes dans l'esthétisme à l'état pur, avec les séductions et la limitation, du point de vue dramatique, que cela implique. Cette histoire d'une rivalité entre deux tailleurs vedettes à la cour royale à l'époque de la dynastie Joseon (je situerais cela au 17e ou au 18e siècle) est un prétexte pour nous noyer dans une splendeur décorative de tissus et de couleurs. Tout est dans la surface, rien dans la substance. Mais reconnaissons que l'oeil y prend y vif plaisir et que, peut-être, ce film servira d'inspiration à quelques couturiers déchaînés du style John Galliano.

Quant au troisième film plébiscité, My Brilliant Life de E J-Young, c'est surtout par la bizarrerie de son scénario qu'il retient l'attention. Le héros, prénommé Areum, est un jeune garçon né avec une affection rarissime, le Progeria Syndrome, qui provoque un vieillissement prématuré. A l'âge de 16 ans, son corps a déjà l'apparence d'un homme de 80 ans. Paradoxe : comme ses parents l'ont eu alors qu'ils étaient encore très jeunes, ils se retrouvent à 30 ans avec un fils qui est déjà un vieillard. Je craignais que la situation soit exploitée d'une façon trop mélodramatique (c'est souvent une faiblesse des films coréens), mais le réalisateur a su garder une certaine retenue. On salue l'exploit du jeune interprète, un acteur de 13 ans qui fait ses débuts à l'écran et qui chaque matin a dû se soumettre à cinq heures de maquillage pour acquérir l'apparence d'un très vieux monsieur.

Dans l'ensemble, j'ai trouvé les films chinois (du continent) assez décevants cette année. Si le pays produit énormément, la tendance est malheureusement à l'imitation du cinéma hollywoodien. On voit trop de comédies anodines sur des teenagers ou des jeunes couples, ou alors des spectacles pseudo-historiques souvent teintés d'un nationalisme simplet. Cette année, je crois que les grands créateurs chinois sont à Cannes : Hou Hsiao-hsien (The Assassin) et surtout Jia Zhangke (à mon sens un des maîtres du cinéma mondial).

En revanche, Hong Kong continue à produire des films policiers efficaces et bien ficelés. Un des plus réussis est Gangster Payday de Lee Po-cheung, où les séquences d'action alternent habilement avec des éléments de couleur locale. A retenir aussi Port of Call du jeune Philip Yung (36 ans), qui se situe un peu inconfortablement entre le film d'auteur et la classique enquête criminelle (avec pas mal de sexe). La photo est de Christopher Doyle, collaborateur habituel du célébrissime Wong Kar-wai (In the Mood for Love).

© Massimo Miani

Le festival doit traditionnellement se clôturer sur un grand spectacle. Il était dû cette année à Tsui Hark, un des vétérans (65 ans) du cinéma de Hong Kong et auteur de classiques tels que la série Il était une fois en Chine et surtout (mon préféré) Detective Dee (2010). The Taking of Tiger Mountain est adapté d'un des opéras révolutionnaires de l'époque maoïste. Je me souviens de l'avoir vu - et même plus d'une fois – lorsque je vivais à Pékin au début des années 60. C'était un des seuls spectacles autorisés et encouragés par la redoutable Madame Mao. Tsui Hark a complètement éliminé le message politique pour ne garder que les séquences de combat entre une brigade de l'Armée Populaire de Libération et leurs ennemis du Kuomintang. Le cinéaste emploie avec brio la technique du 3D, ce qui nous vaut de voir des couteaux et des grenades voler en direction du public. Au total, une de ces méga-productions purement divertissantes qui font aussi partie de ce que le public local attend du festival.

Il faudrait encore parler de toutes les activités parallèles (une centaine, au total) qui accompagnent le Far East Film Festival : cours de yoga (avant chaque projection matinale) ou démonstrations de cuisine japonaise ou thaïlandaise. J'ai beaucoup aimé le « Panino Gourmet Contest ». Les cinq plus grands chefs d'Udine (sur simple demande je vous envoie leurs adresses) se sont engagés à créer un panino – disons un sandwich – qui combinerait les saveurs des cuisines asiatiques et frioulanes. Ce sera pour moi une raison supplémentaire de revenir à Udine l'an prochain !

www.fareastfilm.com

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