Emmanuel Courcol nous embarque dans une comédie pleine d’émotions

Thibaut Desormeaux (Benjamin Lavernhe), chef d’orchestre de renommée internationale, parcourt le monde. Atteint d’une leucémie, il découvre qu’il n’est pas le fils naturel de ses parents et a un frère près de Lille, Jimmy (Pierre Lottin) dont la moelle osseuse est compatible avec la sienne. Malgré leurs existences très différentes, ils partagent aussi un amour commun pour la musique et son interprétation, car Jimmy joue du trombone dans la fanfare de Lallaing. Thibaut se découvre une mission : il lui faut corriger une injustice et sortir son frère de ses préjugés et inhibitions. Les capacités musicales extraordinaires de Jimmy sont telles qu’il aurait peut-être une grande carrière. Thibaut va surtout se rendre compte de ce que son frère va lui apporter.

Eventail.be – Après Un triomphe (2020 ), «En fanfare» raconte aussi aventure humaine autour de la culture au quotidien
Emmanuel Courcol – Je suis intéressé par les sujets d’accès à la culture. Par la manière dont les différences de classe stigmatisent, excluent alors qu’elles devraient plutôt réunir. Les préoccupations sont les mêmes. Quels rêves on peut avoir, quelles sont nos ambitions, comment on est le produit de notre éducation, de notre milieu social qui nous permet d’accéder à nos rêves ou pas ? La plupart du temps, dans des milieux populaires ou chez des gens défavorisés, on ne se permet pas d’avoir certaines ambitions parce que, tout simplement, on n’y pense pas ou que, si on y pense, on (se) dit que ce n’est pas pour soi, que c’est pour les autres. Donc, ça me plaît de mettre en relation les deux pôles de ce sujet, à travers deux frères qui incarnent deux univers différents.

– Le film s’ouvre sur une longue scène de répétition de direction d’orchestre
– Les répétitions d’orchestre ont un caractère théâtral très intéressant. Cette longue scène permet de comprendre tout le travail du chef d’orchestre. Celui-ci n’est pas juste une personne qui bat la mesure devant des musiciens qui le regardent plus ou moins. Il s’agit véritablement d’un travail de création. Les chefs sont des grands artistes pour qui le contact humain est tout aussi important. Voilà pourquoi, il m’importe d’installer d’emblée la figure du chef, qu’elle soit incontestable sur la suite du film. Cette séquence de répétition a été extrêmement rejouée par Benjamin (Lavernhe) qui a travaillé longtemps avec un jeune chef qui l’a coaché pendant plusieurs mois. Benjamin dirige vraiment l’orchestre.

– Le chef d’orchestre classique et le chef de fanfare n’ont pas les mêmes relations avec leurs musiciens
– Les musiciens d’une fanfare n’hésitent pas à se disputer. Alors que, dans un orchestre de musique classique, tout est plus éduqué ou atténué. Les rapports sont très formels, très balisés, très hiérarchisés. Le secteur est très syndiqué. Les musiciens ont conscience de faire partie de l’élite, ils se voient travailler. Quand ils rentrent chez eux, le soir, ils font autre chose. Ils ont un petit côté fonctionnaire. Par contre, la fanfare fait partie de la vie de ses musiciens. La priorité est de bien jouer ensemble mais il n’y a pas une espèce de passion à l’excellence. Il n’y a pas de compétition. Une vie de famille s’est composée autour de la musique. Souvent, les musiciens se connaissent depuis très longtemps, ils se fréquentent en dehors de la fanfare. L’enjeu consiste à passer un bon moment ensemble, à boire un bon coup après la prestation. Le lien social est au moins aussi important que la musique.

– Le film explore aussi le poids des secrets de famille et du mensonge
– Oui. Et, surtout, il aborde le sujet de la fraternité, ce lien fragile qui se tisse entre les deux frères qui ne se connaissaient pas et que la vie réunit. Ils font connaissance par nécessité. Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin transmettent une émotion très forte. Comme dans un conte, ils trouvent une complicité de travail en dépit de leur milieu et de leur héritage culturel antagonistes. J’ai voulu éviter la caricature. Il y a une fierté à appartenir à la communauté d’une fanfare. Thibaut va découvrir une autre réalité dont il est très, très loin, par son métier, par son statut. Il découvre l’entourage de son frère, sa façon de vivre, son métier, aussi. Il apprend à l’aimer à travers la musique.