Stéphanie Dulout
23 June 2024
À travers un parcours dans les bâtiments patrimoniaux abandonnés de la Haute-Ville millénaire, de la Caserne à l’impluvium, en passant par la Citerne ou la chapelle Saint-Barthélémy, les œuvres de dix-huit artistes triés sur le volet racontent la nostalgie des paradis perdus et les conquêtes et constructions utopiques “[portant] en elles les graines de leur destruction”2. Une ambivalence inscrite dans son titre en forme de palindrome, Roma Amor, qui n’est pas sans faire écho au rêve d’un avenir utopique idéal porté, au cœur d’une “New Rome” gangrénée, par le héros du dernier film de Francis Ford Coppola présenté au Festival de Cannes, Megalopolis. Une épopée romaine dans une Amérique moderne en pleine décadence dont l’esthétique pourrait être rapprochée de celle, néo-baroque, de la monumentale fresque vidéo, The Feast of Trimalchio, présentée à Bonifacio par le collectif russe AES+ : on y voit tout un aréopage d’acteurs habillés de manière hétéroclite y prendre la pose dans un décor de palais à l’antique parasité par des éléments anachroniques. Une dérangeante satire sociale mettant en scène l’hubris (ou la démesure) d’une société livrée à l’oisiveté et au luxe qui ne peut laisser indifférent… De même que le discobole tagué (intitulé Temps mort) dominant un parterre de gravats d’Alexandre Bavard auquel fait écho l’étrange Domestication d’une pyramide de cendre volcanique par une statue drapée à l’antique acéphale de Magdalena Jetelová.
© AES+
Plus étrange encore, la vidéo de Laurent Grasso, Soleil noir, nous conduisant sur les traces d’un chien errant au milieu des ruines de Pompéi. Métaphore de “l’ascension de l’âme dans l’espace après la mort”, la vidéo de Bill Viola, L’Ascension de Tristan, aspirée par une cascade inversée, nous transporte, quant à elle, dans une mystique aquatique salvatrice et purificatrice. C’est aussi “l’éternité du vivant sur l’obsolescence du construit” que proclame la chorégraphie filmée de Valérie Giovanni, associée à une performance chantée par les chanteuses polyphoniques du groupe Suarina. Intitulée Territorii Vox – Saisir le délaissement, cette installation de cinq vidéos nous donne à voir une danse fantomatique sur fond de sites désaffectés brouillant les frontières entre le passé et le présent, le rêve et la réalité.
Biennale d'art de Bonifacio
De Renava : Roma Amor. La Chute des empires
Dates
Du 10 mai au 2 novembre 2024
Adresses
Billetterie