Jacques Boulogne
18 May 2025
L’Éventail – Comment est née l’idée de fonder la Mosa Ballet School ?
Benjamine De Cloedt – C’est un projet que j’ai en tête depuis près de vingt ans. Je viens d’une famille très investie dans l’éducation pour tous. Mon père, ma sœur, ma grand-mère… tous ont joué un rôle dans mon rapport à la transmission. La danse m’a toujours passionnée. Il y a trente ans, le départ de Maurice Béjart de Belgique, a laissé, à mon sens, un vide immense dans le paysage chorégraphique belge, la privant d’un écosystème unique, alliant formation, création et rayonnement international. Quand ma fille est partie, à onze ans, pour devenir petit rat de l’Opéra, j’ai pu voir de près la réalité de ce milieu : un sport de haut niveau, parfois très dur, pouvant meurtrir le corps et l’esprit à jamais. Cela m’a donné l’idée de créer une école différente, avec une pédagogie plus attentive à l’élève, que l’élève soit au centre.
© Lorraine Wauters
– Vous avez tout de suite visé un niveau d’excellence très élevé.
– Oui, dès le départ, l’objectif était clair : faire de cette école l’une des meilleures au monde. Cela passe par trois piliers : l’excellence, la bienveillance et la collaboration. Nous avons la chance de pouvoir compter sur un directeur artistique, Olivier Patey, ancien premier danseur de l’Opéra de Paris sous Noureev, et sur Wilfried Jacobs, danseur étoile au ballet national de Finlande et directeur de l’école de ballet d’helsinki. Ensemble, ils ont bâti une équipe professorale composée de 23 professeurs de danse (tous solistes ou étoiles) et pianistes. À cela s’ajoute une infrastructure unique : douze studios de danse, un internat, un restaurant, un cabinet médical… Tout a été pensé pour offrir un encadrement global.
© Marc Haegeman
– L’école est jeune, mais déjà bien implantée…
– Après trois ans de préparation, l’école a ouvert en 2022. Aujourd’hui, nous comptons 104 élèves, de neuf à vingt ans, venus de vingt-quatre pays. Trois programmes structurent leur parcours, jusqu’à une septième année pré-professionnelle. Seize des dix-neuf anciens élèves sortant travaillent déjà dans des compagnies internationales. C’est une vraie fierté, c’est à cela qu’on mesure vraiment la réussite du programme.
© Quand on Danse
© Quand on Danse
– Comment se structure le financement de l’école ?
– C’est un modèle d’entreprenariat culturel basé partenariat public-privé. J’ai lancé le concept en finançant le bâtiment clé sur porte. Le bâtiment appartient maintenant à une fondation d’utilité publique. Avec laquelle la Fédération Wallonie-Bruxelles a signé une convention de projet pilote pour 3 ans, reconductible suivant certaines conditions. Le budget annuel est d’environ cinq millions d’euros : l’objectif est le suivant : 40 % venant des pouvoirs publics, 30 % venant des parents d’élèves, de la summerschool et autres stages, et 30 % de sponsoring d’entreprises, de fondations et de mécènes privés. C’est un combat permanent. Un système de bourses existe pour garantir l’accessibilité à tout enfant talentueux. La Mosa aide 38% de ses élèves issus de familles démunies.
Au moment où nous écrivons ces lignes, nous apprenons que le ministère de la Culture a décidé de priver d’1,2 million d’euros de subsides Mosa Ballet School. Une décision qui menace son avenir. Plus que jamais, la culture belge a besoin de notre soutien.
Pour tout don : BE50 0689 4092 8218
© Cocobolo
– L’école a-t-elle déjà évolué depuis l’ouverture ?
– Beaucoup. Nous sommes passés de 70 à 105 élèves. Nous avons une vingtaine de partenariats institutionnels, dont l’Opéra et le Théâtre de Liège, l’Orchestre Philharmonique, des hôpitaux, d’autres écoles de ballet… Le programme “Quand on danse” s’est aussi largement développé avec 47 partenariats. Il vise un public fragilisé – Alzheimer, Parkinson, cancer, handicap – avec une approche thérapeutique. Il rayonne déjà en Belgique, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et, bientôt, ailleurs en Europe. La danse inclusive contribue à faire évoluer le regard sur la danse.
© Marc Haegeman
– Quelle place la Belgique occupe-t-elle aujourd’hui dans le monde du ballet ?
– La Belgique a un niveau reconnu, en classique comme en contemporain, mais son étoile en classique a pâli. C’est une vraie tristesse. Avec une école un peu plus contemporaine à Anvers, nous essayons de redonner un souffle. La danse fait pleinement partie de notre patrimoine belge, continuons à la faire vivre.
– Et vos prochaines ambitions ?
– Continuer à développer “Quand on Danse” et, à terme, créer une compagnie junior. La Belgique en manque. Nous voulons permettre à nos élèves de franchir le pas vers la vie professionnelle. Replacer notre pays sur la carte de la danse.
– Qu’est-ce qui vous rend la plus heureuse dans cette aventure ?
– Voir les élèves sur scène, leur énergie, leur joie. Les spectateurs le sentent : ces enfants sont heureux. Ils font partie de la famille Mosa. Dans une discipline aussi exigeante, sans humanité, on ne peut atteindre l’excellence. Et là, je pense que nous avons trouvé cet équilibre.
Photo de couverture : © Cocobolo
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