La Fondation Folon, 25 ans déjà !

L’Éventail – Pourquoi Jean-Michel Folon a-t-il créé une fondation et a-t-il choisi le Domaine régional Solvay ?
Stéphanie Angelroth – En créant une Fondation, Jean-Michel Folon souhaitait assurer une pérennité à son travail et aux valeurs qu’il défendait. Même s’il a quitté la Belgique à l’âge de vingt-et-un ans, il a toujours gardé des liens fort avec son pays d’origine et a été touché par la proposition de la Région wallonne. Cerné par la nature, le parc Solvay correspondait à ses aspirations. Il est situé non loin du lac de Genval où le jeune Folon vivait durant la guerre. Il a été charmé par les lieux dont il avait gardé de nombreux souvenirs d’enfance. Folon en a créé la scénographie et a chapeauté le projet durant cinq ans.

– Et maintenant ?
– De nos jours, grâce au legs de Paola Ghiringhelli-Folon, la deuxième épouse de l’artiste, décédée en 2012, nous disposons d’un ensemble d’environ 7000 œuvres et de milliers d’archives, ce qui nous permet d’organiser des expositions hors les murs et d’étudier l’art de Folon sous différents angles. Nous en avons encore une vision partielle. L’artiste a, en effet, travaillé avec une multitude de techniques – l’aquarelle, bien entendu, mais il s’est aussi passionné pour la sérigraphie, la gravure, le vitrail, le bronze, la tapisserie et même la céramique ! On s’intéresse également aux personnalités qui ont traversé son parcours. On peut notamment citer Renzo Piano, Simone Veil, Jorge Semprún, Yehudi Menuhin ou encore Andrée Putman qui, tous, ont par ailleurs fait partie du Comité d’honneur de la Fondation. Mais aussi des plasticiens. Dans les années 1960, Folon signe des œuvres à quatre mains avec son ami Roland Topor. En 1980, il collabore avec Pierre Alechinsky et Pol Bury dans le cadre d’une campagne du Daily-Bul autour de l’absurdité des réformes institutionnelles belges. On pourrait en évoquer beaucoup d’autres…

– L’année dernière se sont tenues quatre expositions à Bruxelles qui ont levé le voile sur des aspects méconnus de l’œuvre…
– En effet. Nous avons voulu célébrer les 90 ans de la naissance de l’artiste par trois expositions originales et un parcours de sculptures emblématiques, depuis le Petit Sablon jusqu’aux Galeries royales Saint-Hubert. Au Musée Magritte, nous avons pointé l’influence de Magritte sur l’œuvre de Folon, qui, à dix-huit ans, a découvert au Casino de Knokke la composition Le Domaine enchanté du surréaliste. Il prend alors conscience que l’on peut “tout faire en peinture, même inventer des mystères”. Une grande partie de son œuvre est imprégnée de cet ancrage surréaliste belge. Un deuxième exposition, à la maison Autrique de Victor Horta, a révélé un autre côté de sa personnalité : le collectionneur. Folon s’entourait d’objets qu’il chinait. Pour la plupart, ils étaient sources d’inspiration et donnaient naissance à des personnages hybrides, des objets anthropomorphes, suivant un principe de métamorphose bien à lui. Nous avons pu investir la maison comme si Folon y avait réellement habité, en y installant des œuvres mais aussi les objets qui faisaient partie de son quotidien. Une troisième exposition, au musée du Design, a mis en lumière une autre facette : sa féconde collaboration avec la firme italienne Olivetti.

– Que prévoyez-vous alors pour le double anniversaire de cette année ?
– Nous souhaitons raviver les liens avec le Sud de la France où il avait son atelier (à Monaco) et organiser un week-end en l’honneur de Folon à Saint-Paul-de-Vence où il a décoré la chapelle des Pénitents blancs. Nous prévoyons une cérémonie d’hommage, avec lecture de textes sur l’artiste. Nous serons aussi à La Colombe d’or, ce mythique hôtel-restaurant de Saint-Paul où Folon a beaucoup créé et séjourné, mais également aux Arcades à Biot, un repaire d’artistes fréquenté notamment par Léger, Vasarely et Braque, et où Folon a peint des oiseaux sur les murs. Par ailleurs, nous organisons le 30 novembre, à la Fondation Folon, une journée anniversaire autour du thème Art, inclusion, résistance durant laquelle nous mettrons l’accent sur les extraordinaires collaborations avec les partenaires associatifs qui constituent l’ADN de l’action sociale : Amnesty International, l’Unicef, la Fondation Yehudi Menuhin, L’Essentiel, Eqla, Pêcheur de lune. Ainsi seront proposées les visites multisensorielles pour les personnes malvoyantes ou voyantes, créées en collaboration avec Eqla, et les visites destinées au très jeune public (à partir de deux ans), dénommées les Minuscules. Et aussi, les visites guidées par des personnes porteuses de handicap résidant au centre L’Essentiel à Lasne, qui proposent une autre approche des œuvres et une rencontre unique. Nous organiserons également, ce jour-là, une table ronde sur le thème Art, inclusion, résistance pour répondre à la question “Comment les institutions culturelles peuvent-elles, en théorie et dans les actes, soutenir la défense des droits humains ?”. Il me reste enfin à mentionner un beau projet, inauguré fin septembre à l’occasion du 975^e anniversaire de l’église romane de Waha, dont Folon avait créé les verrières : une exposition au musée de Marche-en-Famenne (Famenne & Art Museum), consacrée aux vitraux de Folon. C’est aussi l’occasion pour nous d’éditer un deuxième “cahier” consacré à ce thème et de produire un film sur le sujet.

– N’avez-vous pas également un club des Amis ?
– En effet, nous avons relancé Les Amis de la Fondation, aujourd’hui devenus les Folon’s Best friends. Ce cénacle de passionnés nous permet de mener à bien certains projets, comme la restauration des dix sculptures de Folon qui se trouvent dans le Giardino delle Rose à Florence, un parc qui domine la ville, situé en contrehaut du Duomo et de la cité des Médicis. Un projet prestigieux et merveilleux, qui sans leur aide ne pourrait pas voir le jour.

– En un mot, comment définir la Fondation Folon ?
– Poète et artiste pluridisciplinaire, Folon a été un homme de rencontres. Sa fondation doit être un lieu d’échanges, de découvertes, d’inclusion. Notre volonté est de préserver et faire rayonner son œuvre et de faire vivre ses valeurs pour la défense des droits humains, de la nature et de la beauté sur terre.

Photo de couverture : L’artiste aux côtés de La Mer, ce grand sculpteur, œuvre installée depuis 1997 sur la plage de Knokke et devenue un véritable repère du paysage côtier belge. © Chunichi Shimbun co., Ltd