Un été chez Cezanne

“Il aura fallu cinquante ans pour que Cezanne (sans accent, ainsi que le souhaitait l’artiste lui-même ! – NDLR) devienne véritablement un grand homme”, peut-on lire dans le journal Le Méridional du 15 août 1956, à propos d’une exposition organisée, en urgence, dans le cadre du cinquantenaire de la mort de l’artiste. Il a vécu à Aix par intermittence, partageant sa vie picturale entre Paris et la Provence. La ville, où il est né et décédé, a toujours exercé une attraction particulière sur le peintre qui a sublimé ses paysages, sa lumière et sa montagne mythique, la Sainte-Victoire.

Une exposition majeure

La présentation au musée Granet est rythmée par quatre thématiques, avec plus de cent œuvres – huiles sur toile, dessins et aquarelles – prêtées par des musées du monde entier. On peut y admirer Les Joueurs de cartes, un tableau venu du Musée d’Orsay, pour lequel l’artiste a fait poser séparément les paysans employés sur la propriété familiale du Jas de Bouffan. Dans la section des portraits et autoportraits de jeunesse et de maturité, voici le portrait d’Henri Gasquet. Dans l’espace consacré au paysage aixois, on découvre l’environnement naturel du peintre qui n’a pas eu besoin de sortir du parc de sa bastide familiale pour peindre L’Allée des marronniers. La nature morte, qu’il commence à pratiquer à partir de 1866, prendra plus d’importance, à partir de 1882, alors qu’il a aménagé un atelier au dernier étage de sa maison familiale, pour développer des recherches sur ce thème. C’est là qu’il exécutera Sucrier, poires et tasse bleue, ainsi que le Pot de gingembre. La partie consacrée aux baigneurs et baigneuses met en lumière les recherches sur la figure humaine, l’inspiration liée au thème classique des bacchanales, les études plus modernes et purement plastiques. Caractérisées par des formes anatomiques irrégulières se fondant avec le paysage environnant, pas moins de 200 compositions de personnages au bain ont été réalisées.

À la découverte des sites cezanniens

La promenade picturale débute dans la bastide où Paul Cezanne vécut pendant quarante ans, actuellement en partie rénovée. Sur les murs du grand salon sont apparues de nouvelles peintures de jeunesse, réalisées à partir de 1859. Cet ensemble de 5 à 6 m², baptisé L’Entrée de port, s’ajoute aux autres œuvres murales appelées Les Quatre Saisons : L’Été, L’Automne, L’Hiver ; Le Baigneur au rocher et Le Jeu de cache-cache d’après Lancret. Fin 2026, on devrait profiter de la restitution de la cuisine à l’ancienne, de la rénovation de la chambre autour du thème de Léda et le cygne, avec un parcours pédagogique et des salles d’exposition temporaires. La ferme adjacente rénovée accueillera, quant à elle, le Centre cezannien de Recherche & Documentation. Le grand hangar sera transformé en auditorium et l’orangerie, en restaurant. À partir de 2026, un bâtiment nouveau, avec une boutique, sera construit pour servir d’accueil au public.

La balade se poursuit dans l’atelier des Lauves, dernier atelier du maître, construit en 1901, d’après ses plans, sur la colline éponyme. Il retrouve toute son authenticité dans une reconstitution dévoilant sa dernière palette, provenant du musée Granet, et son grand chevalet. Sa “retraite”, dans son cabanon, est à découvrir au milieu des carrières de Bibémus. Ce site naturel, situé à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence, compose un véritable musée à ciel ouvert. On peut y observer les sept motifs emblématiques qui ont inspiré l’artiste : Le Rocher rouge ; les trois Carrières de Bibémus ; La Carrière de Bibémus ; La Montagne Sainte-Victoire avec vue sur Bibémus et Rochers et caverne, avec de nouveaux sentiers et des panneaux explicatifs.

Photo de couverture : Paul Cezanne, Bosquet au Jas de Bouffan, vers 1871.  Photo © Hiroshima Museum of Art, Japon