Corinne Le Brun
13 December 2023
Grand habitué du divan, adepte de la philosophie accessible à tous, l’auteur des Vertus de l’échec, La confiance en soi (Allary Editions), notamment, propose de s’appuyer sur le passé sans en être prisonnier. Savoir le modifier pour agir. Pour cela, Charles Pépin convoque les neurosciences, de nouvelles thérapies mais aussi Bergson, Nietzsche, Marcel Proust, Barbara…
– Comment être en paix avec son passé et en faire une force d’avenir ?
– Charles Pépin apporte plusieurs réponses à la vraie question du passé qui ne passe pas… Grand habitué du divan, adepte de la philosophie accessible à tous, l’auteur de «Les vertus de l’échec», «La confiance en soi» (Allary Editions) ,notamment, propose de s’appuyer sur le passé sans en être prisonnier. Savoir le modifier pour agir. Pour cela, Charles Pépin convoque les neurosciences, de nouvelles thérapies mais aussi Bergson, Nietzsche, Marcel Proust, Barbara…Rencontre avec l’écrivain philosophe, à Bruxelles.
– Le passé est-il forcément toxique?
– Non. Il y a un passé heureux. On peut se réchauffer aussi à la flamme des bonheurs passés, savoir les faire revenir au présent jusqu’à effacer la nostalgie finalement et la remplacer par une mémoire vivante.
– Cependant, le passé douloureux qui nous entrave semble prendre le dessus…
– C’est vrai. Parce que notre cerveau, notre mémoire, en raison de l’évolution de l’espèce, font qu’on a besoin de se souvenir surtout de ce qui est dangereux, de ce qui pourrait nous tuer. Et donc l’aspect négatif marque plus la mémoire que le côté positif, par définition. Mais on peut lutter contre cet effet de l’évolution de l’espèce en apprenant à se souvenir au fond des jolies choses. Il y a aussi un passé heureux qu’on peut faire conjuguer au présent. Cela n’empêche pas évidemment d’essayer de retraiter les souvenirs douloureux pour apprendre à vivre avec, pour s’éveiller à faire à la paix avec eux, notamment dans deux directions différentes. La première est de travailler uniquement l’émotion nocive associée au souvenir, et la deuxième est de se focaliser sur le sens de ce qui a été vécu. Ces deux pistes permettent de mieux vivre avec son passé.
– Faudrait-il, dès lors, regarder le passé en face?
– Pas toujours. Il peut y avoir un moment de vie où c’est trop dur. Donc il faut trouver le bon moment. Parfois, il peut être bon d’aller de l’avant en se détournant de son passé douloureux un certain temps, mais en sachant que ça n’aura qu’un temps. Parce que si on est dans l’illusion qu’on peut du passé faire table rase, alors le risque c’est l’effet rebond et le retour du refoulé. Et on sait que l’évitement d’un-passé douloureux est d’autant plus contre-productif à long terme qu’il est relativement efficace à court terme. C’est ça, le piège. Si par exemple, vous êtes sur actif, que vous travaillez beaucoup, que vous êtes un créateur, que vous prenez de la drogue, que vous buvez de l’alcool…, vous allez éviter les mauvais souvenirs. Le problème c’est que vous ne réglez rien et, qu’un jour, vous risquez d’être rattrapé par des choses encore plus violentes voire par des flashs traumatiques.
– De nouvelles méthodes de thérapie permettent de revisiter notre passé. Quelles sont-elles?
– Liées à la révolution des neurosciences et confirmées par celles-ci, de nouvelles thérapies s’inscrivent dans le processus de la reconsolidation de la mémoire. Par exemple, le reparentage, utilisé en thérapie des schémas, est une façon de rejouer une scène douloureuse en faisant intervenir dans un contexte émotionnel particulier une personnalité du présent dans la scène passée. Le thérapeute ou vous-même allez intervenir dans cette scène passée et, par exemple, rappeler à l’ordre un parent dysfonctionnel. Un deuxième exemple de reconsolidation de la mémoire est celui de la thérapie de la cohérence. On va montrer à un patient que tel épisode vécu, certes douloureux, a produit une règle de vie qui est en fait incohérente. En effet, ce n’est pas parce qu’on a été humilié, trahi et trompé en amour à l’âge de treize ans, que toute sa vie, dès qu’on va déclarer son amour, on va recevoir une trahison et une humiliation. Pourtant, c’est ça la règle de vie qu’on en a retirée. Ces thérapies plutôt brèves, visent à montrer, en rejouant des situations du présent, que la règle de vie est contredite par l’expérience et donc désamorcer cette règle de vie. Notre cerveau est plastique et nos souvenirs sont vivants. Leur sens n’est pas gravé dans le marbre. Il est possible de revenir sur nos souvenirs en en tirant une règle de vie différente, de remplacer dans notre cerveau une vérité émotionnelle qui nous entrave, bref de vivre notre passé autrement. Il ne s’agit plus d’accepter un passé impossible à changer mais bien d’intervenir dans le passé pour mieux vivre avec. Ces méthodes permettent d’agir de façon plus directe, plus rapide. Un bon psychanalyste sait les utiliser.
– A-t-on toujours besoin d’une thérapie?
– Pas obligatoirement. La vie, souvent, suffit. Parfois, elle nous offre des rencontres qui permettent de casser ces règles de vie implicites, de changer son idée de l’amour ou alors de relire son passé autrement. Parfois, une discussion avec des gens de sa famille permet de comprendre qu’on s’est fait une fausse idée de sa mère. On se souvenait d’une mère froide, autoritaire, alors qu’en fait, des personnes vous disent qu’elle s’occupait de vous, qu’elle vous berçait pendant des heures. Donc, en fait, il faut être dans une logique d’enquête envers son passé, avoir un rapport d’enquêteur curieux et doux et être prêt à changer d’avis. La mémoire n’est ni fiable ni objective. Les souvenirs sont flous et toujours reconstitués.
Photo de couverture : © Bojana Tartatska
Livre
Vivre avec son passé. Une thérapie pour aller de l’avant
Auteur
Charles Pépin
Éditeur
Allary Éditions
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