Bertrand Leleu
01 February 2023
© Dorotheum
Ettore Sottsass (1917-2007) pour La Galleria Il Sestante, Milan
Bague, 1963, or 18 carats et corail
Vente du 19 janvier, Dorotheum, Vienne
Sculpture, peinture, architecture, design, décoration, édition, photographie… Ettore Sottsass était un-touche-à-tout de génie, dont on connaît principalement les œuvres chamarrées de la période “Memphis”. Ces fameux vases et meubles ultra colorés des années 1980 ont fait fureur à l’époque, et aujourd’hui encore, chez les aficionados de décoration vintage. Pour l’artiste, les couleurs vives permettaient de “libérer des énergies positives, des énergies vitales, voire thérapeutiques”. C’est à la suite de son séjour aux États-Unis, en 1956, qu’il découvre le Pop Art et son style très graphique. Sottsass utilise aussi facilement le verre, le bois et la céramique que des matériaux plus précieux. La partie peut-être la moins connue de sa production concerne ses créations joaillières, qu’il dessine et fait réaliser toujours avec cette même esthétique simple et colorée.
© Christie’s
Giacomo Raffaelli (1753-1836), plateau (attribué à-) et Francesco Righetti (1738-1819), piétement (attribué à-)
Table d’apparat en bronze et pietra dura, le plateau vers 1800-1810, le piétement vers 1770-1775
Vente du 27 janvier, Christie’s, New York
C’est une véritable œuvre d’art, d’un luxe inouï, que cette table de présentation italienne. Issue de la réunion d’un plateau, attribué au grand maître de la mosaïque Giacomo Raffaelli, et d’un piétement en bronze attribué à Francesco Righetti, le meuble a notamment appartenu à la prestigieuse galerie Steinitz. La richesse de ses gemmes fait du plateau un véritable bijou en pietra dura. À la fin du XVIIIe siècle, c’est l’apogée des collections lapidaires dans les grandes familles européennes et celles-ci cherchent alors des objets d’apparat toujours plus luxueux. Le piétement, ici formé de quatre Hermès embrassant deux cariatides qui s’agrippent à des cornes d’abondance, est identique à une table de la collection Invernizzi (à Milan). On pourrait imaginer qu’elles formaient jadis une paire, mais la nature de leurs plateaux d’origine reste un mystère.
© Horta
Tsugouharu (Léonard) Foujita (1886-1968)
Les Deux Amies, 1926, huile sur toile, 61 x 46 cm
Vente du 23 janvier, Horta, Bruxelles
La Belgique a fait, une nouvelle fois, honneur au peintre franco-japonais avec ce double portrait intitulé Les Deux Amies. Les modèles sont connus, puisqu’il s’agit de Youki, l’épouse de l’artiste (de son vrai prénom Lucie), et Mado Anspach. Cette dernière, au patronyme bien connu des Belges, fut l’épouse d’Henri Anspach, mais aussi une muse et un personnage important de la scène artistico-mondaine du Montparnasse des Années folles. En 1918, le couple ne s’entend pas et Madeleine, dite Mado, s’encanaille dans les soirées parisiennes. Elle sera même l’organisatrice de la dernière “folle” soirée du Bal Blomet, en 1929, avant que la crise financière ne vienne bousculer l’effervescence de l’après-guerre. Le style de Foujita, empreint de tradition japonaise et de modernité, donne ici une exquise volupté aux courbes féminines de ses deux modèles.
© Christie’s
Jacques-Philippe Le Sueur (1757-1830)
Pendule “Aux quatre muses des heures”, vers 1798-1800, marbre blanc, métal émaillé, placage de malachite, bronze doré
Vente du 20 janvier, Kahn & Associés, Paris
Représentée sur un dessin actuellement conservé au Fitzwilliam Museum de Cambridge, cette horloge fut réalisée vers 1790 pour orner un pavillon de la Folie Beaujon. Le bâtiment, construit entre 1781 et 1783, à Paris, par l’architecte Nicolas-Claude Girardin, était destiné au banquier de Louis XVI, le financier Nicolas Beaujon. Haute de 153 centimètres, l’horloge est le résultat de l’association du sculpteur Jacques-Philippe Le Sueur et de l’horloger du roi, Lepaute. Le corps, sculpté dans un seul bloc de marbre, figure quatre muses, désignant chacune d’un doigt l’heure sur le cadran en forme de sphère et au mouvement tournant. Cette pendule monumentale permettait ainsi à chaque invité de pouvoir lire l’heure de la place où il se trouvait. Chef-d’œuvre de l’horlogerie française, elle est répertoriée dans plusieurs ouvrages et l’on connaît une gravure la représentant in situ en 1801.
© Ader
Jean Prouvé (1901-1984)
Escabeau roulant, tôle d’acier pliée et laquée gris, vers 1951
Vente du 24 janvier, Ader Entreprises & Patrimoine, Paris
313 600 euros pour un escabeau en tôle… Qui aurait pu prédire que le mobilier dessiné par Jean Prouvé dans les années 1950 atteindrait de tels sommets aux enchères 70 ans plus tard ? D’autant que l’architecte avait pour ambition principale de venir en aide à la reconstruction suite aux destructions massives de la Seconde Guerre mondiale, et non de meubler les appartements de riches propriétaires. Destinée aux techniciens chargés des caméras de sécurité, cette échelle avait été réalisée par les ateliers Prouvé, en plusieurs exemplaires, pour certaines agences de la banque BNP Paribas (la fondation BNP a d’ailleurs offert un exemplaire au Centre Pompidou). À la fois ferronnier, architecte, designer et ingénieur, Prouvé a produit tout au long de sa carrière des solutions d’urgence, que ce soit du mobilier ou des habitats, et répondait à des commandes utilitaires et industrielles.