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Rédaction

25 October 2019

© La Monnaie De Munt

Je regrettais à cette époque que le peu de goût des spectateurs d'Europe continentale pour la comédie musicale empêcherait sans doute d'applaudir cet extraordinaire spectacle sous nos latitudes. Puis vint Jacques Brel. Il avait obtenu les droits d'adaptation en français, se réservant le rôle-titre. J'assistais à la première qui eut lieu le 4 octobre 1968 au Théâtre Royal de La Monnaie. Le travail de Brel portait avant tout sur la traduction et l'arrangement des textes ; musique, chorégraphie, décors, costumes et mise en scène étant identiques à la production originale de Broadway. La présence, l'aura, les talents de chanteur et d'acteur du Grand Jacques renforcèrent encore la puissance du spectacle.

© La Monnaie De Munt


La version que nous proposent maintenant les metteurs en scène Michael De Cock (auteur d'essais et d'articles, dramaturge, acteur et directeur artistique réputé dans le nord du pays) et Junior Mthombeni s'avère très différente, mais indéniablement très intéressante. Bien que le texte de Brel et la musique de Mitch Leigh soient respectés, il s'agit plus ici d'une transposition que d'une adaptation.

L'action se déroule bien dans une prison, mais entourée de palissades en tôles ondulées au cœur d'une ville moderne en chantier de démolition. La scénographie est foisonnante au point d'être quelquefois déroutante. Sur scène : un (excellent) orchestre de 14 musiciens et 12 artistes aux univers musicaux et dramatiques métissés. La mise en scène « mord » sur plusieurs univers. On ressent par moment une sorte de distanciation brechtienne, au détriment peut-être de l'émotion. On y retrouve aussi du Fellini, dans le flou entre le rêve, l'hallucination et la réalité. Certaines séquences dansées font aussi penser à West Side Story. À cet égard, une saynète décalée de slam constitue sans doute un rajout superfétatoire. Tout comme le sont des interviews projetés sur écran d'artistes et techniciens du spectacle à qui on demande d'exprimer leur rêve. Sur ce même écran sont aussi projetés des extraits de films et séquences allégoriques et suggestives qui accompagnent subtilement l'action scénique. Enfin, on peut signaler la scène finale, inventive et spectaculaire.

© La Monnaie De Munt

Les interprètes sont remarquables, même si la tâche des deux premiers rôles n'étaient pas des plus aisées. Il s'avère souvent ingrat de reprendre un rôle marqué par de grands artistes comme le furent Jacques Brel et Joan Diener (présente à New York, Bruxelles et Paris). Le chanteur et comédien flamand Filip Jordens est très convaincant. Il est vrai que ce sont ses spectacles consacrés à Brel (avec lequel il a une impressionnante ressemblance physique) qui l'ont fait connaître du public francophone. C'est la soprano belgo-albanaise Ana Naqe qui tient le rôle de Dulcinea, la gente dame/Aldonza, la putain. Très belle voix et sensualité à la fois inquiétante et émouvante. La distribution (tout autant hétérogène dans sa composition qu'homogène dans son action) comprend, entre autres, la chanteuse, danseuse, chorégraphe belgo-congolaise Nadine Baboy, le comédien François Beukelaers, le ténor Geoffrey Degives, l'artiste Lyrique Raphaële Green et Junior Akwety (un étonnant Sancho Panza).

Un très bon spectacle déjà vu à Liège et à voir à l'Aula Magna de Louvain-la-Neuve jusqu'au 25 octobre, puis au KVS de Bruxelles du 4 au 10 décembre. En français avec sur titrage en anglais.

 
À voir les 14 et 15 décembre au Toneelhuis d'Anvers,
lLes 20 et 21 décembre au Palais des Beaux-Arts de Charleroi
Léon Spilliaert L'arpenteur du silence

Arts & Culture

Belgique, Bruxelles

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