Thomas de Bergeyck
03 September 2025
775 pièces, dont 78 salles de bain, 92 bureaux, 19 salons d’apparat et 52 chambres royales. Autant dire qu’à Buckingham Palace, on peut loger un village entier, mais pas une famille avec trois enfants. Ou alors il faut vraiment avoir envie de les perdre. Imaginez lorsqu’il faut appeler les petits pour le diner. C’est bien là le problème : depuis des années, les Windsor n’y vivent plus. La “dernière des Mohicannes” fut Elizabeth II qui a fini par se lasser de cette cathédrale froide comme un glaçon, dans laquelle on entrait comme dans un moulin. Souvenez-vous de cet homme qui est venu lui conter fleurette à l’aube des années 80 en s’asseyant au bord de son lit, un matin, après avoir escaladé une gouttière.
© DR/Shutterstock.com
William et Catherine, les futurs souverains, préfèrent un lodge dans la propriété de Windsor : un cottage baptisé Forest Lodge, avec dix chambres et de grands salons, mais rien d’ostentatoire. Ils vont s’y installer d’ici quelques mois. Et comptent bien y rester tout leur vie. Charles III, lui, a toujours rechigné à y poser ses valises, préférant Clarence House, beaucoup plus intime. Et qui a l’avantage d’être à Londres.
Clarence House © DR/Shuterstock.com
Buckingham, c’est surtout l’antre du protocole. Dans la salle de bal, 62 mètres de long, 20 de large, 15 de haut, se déployait la table des grands banquets, dressée pour plus de 150 convives, avec six verres différents devant chaque assiette et un ballet de domestiques en gants blancs. On y a vu défiler Kennedy, De Gaulle, Mandela, Obama, et plus récemment Donald Trump, reçu en 2019 dans un décor grandiose où chaque fourchette avait été mesurée au millimètre. La Reine qui, c’est connu, préférait les plateaux-repas devant une série britannique, avec des mini sandwiches au concombre et un verre de gin Dubonnet.
© Dominic Lipinski/PA Wire
Aujourd’hui, le constat est cruel. Le palais, acheté en 1761 par George III, transformé par la reine Victoria en résidence officielle, devient une coquille vide, une sorte de musée qu’on rénove à coups de milliards de livres pour mieux en masquer le silence. Des milliers de touristes se pressent chaque année devant ses grilles pour photographier une façade impeccable. Buckingham, cela dit, reste le monument le plus visité de Londres, un passage obligé pour tous ceux qui veulent toucher du doigt la magie royale, mais que les altesses elles-mêmes désertent. Le contraste est d’autant plus ironique que le palais cache quelques curiosités bien moins solennelles : il abrite même … un distributeur automatique de billets !
Trooping the Colour © DR/Shuterstock.com
Buckingham, c’est la grand-mère imposante qu’on respecte, qu’on montre aux étrangers, mais dont la compagnie fatigue. Une vieille diva qu’on ressort pour un Trooping the Colour ou pour un dîner d’État millimétré, mais que plus personne n’accepte de fréquenter au quotidien. Et si la monarchie britannique se rapproche aujourd’hui des gens, c’est peut-être aussi parce qu’elle a enfin choisi une vie à taille humaine. Ou presque.
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