Christophe Vachaudez
10 November 2025
Plusieurs documents attestent que Napoléon, en fuite après la bataille de Waterloo, perdit une partie de son convoi, embourbé près du village de Genappe. Durant cette retraite, l’armée prussienne captura au moins deux fourgons chargés des effets personnels de l’Empereur, soit des médailles, des armes, de l’argenterie, un chapeau et un coffret à bijoux contenant 22 solitaires et 121 petits diamants qui, selon les sources de l’époque lui auraient offerts par son frère Joseph, mais aussi avec un collier de diamants, cadeau de sa sœur Pauline Borghèse. Le maréchal von Blücher envoya le chapeau et l’épée de Napoléon au roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Conformément à la coutume, les bijoux et objets de valeur furent considérés comme butin plusieurs officiers prussiens dont le major von Keller s’emparèrent de certains diamants et objets précieux dont quelques-uns furent plus tard vendus à Londres. Le lieutenant von Pless, quant à lui, offrit ce précieux bouton en diamants au roi de Prusse, à Hanau, le 21 juin 1815. Quatre ans plus tard, les frères Jourdan, joailliers de la cour, décrivirent le bijou comme « un ornement de chapeau composé d’un bouton serti d’un grand solitaire entouré d’un entourage ». Ils mentionnent aussi « vingt solitaires montés sur des chatons » et « un nœud orné en son centre d’un grand solitaire ». Le bijou demeura dans les collections royales jusqu’à ce jour.
Dans la même vente, un autre joyau est lui aussi lié, selon la tradition à Napoléon. Il s’agit d’un splendide béryl vert de 132,66 carats que Napoléon aurait porté lors de son couronnement en 1804. Cependant, la première mention écrite de ce béryl apparait dans l’inventaire après décès d’Élisabeth Ludovika de Bavière, reine de Prusse (1801-1873). Il y est erronément mentionné comme une aigue-marine. Versé aux joyaux de la Couronne, ainsi que ses autres bijoux, ils seront mis à la disposition de Victoria, l’épouse du futur et éphémère empereur Frédéric III. Toutefois, l’arrivée de ce béryl demeure un mystère. Il existe toutefois une hypothèse. En effet, la demi-sœur d’Élisabeth Ludovika, la princesse Auguste de Bavière (1788-1851), épousa le beau-fils adoptif de Napoléon, Eugène de Beauharnais (1781-1824). Il n’est pas exclu que le béryl vert ait pu être transmis par ce biais. Les archives de la maison de Hohenzollern révèlent que l’impératrice Auguste-Victoire, épouse de Guillaume II, portait parfois le béryl monté en broche. La pierre conserva sa monture jusqu’en 1950, date à laquelle il devint l’ornement central d’un petit diadème orné de trèfles par le joaillier Koch.
Enfin, un autre bijou d’exception mérite assurément l’attention, en l’occurrence une guirlande de feuilles de vignes retenant un exceptionnel ensemble de perles, entièrement modulable en broches, diadème ou collier. Toujours selon la tradition, les perles procèderaient de la collection de la princesse Cunégonde de Saxe (1774-1828), marquise de Montoro. Imaginé vers 1840, cet ornement de cheveux encadrant le visage, adapté aux coiffures à la mode de l’époque romantique, représente sans doute le dernier exemple connu d’un style extravagant, mais éphémère, que le joaillier Fossin appelait « à la Mancini », en référence poétique à Maria Mancini (1639-1715), premier amour du roi Louis XIV. Les archives du joaillier viennois Köchert ou celles de la maison Mellerio révèlent des créations similaires, aujourd’hui disparues. Il s’agit donc d’un joyau en tous points unique.
Autres réapparitions inattendues, des bijoux issus des collections de la famille Vanderbilt seront proposés à la vente par Phillips. Née en 1886 à Newport, Gladys symbolise à merveille l’élégance de l’Age d’Or américain. Parmi les pièces les plus importantes figure une broche en diamants signée Cartier, faisant partie à l’origine d’un imposant diadème Belle Époque, composé de huit fleurs de lys stylisées et rehaussé d’améthystes et de diamants poires interchangeables. Ce joyau fut commandé par Alice Vanderbilt à l’occasion du mariage de sa fille Gladys avec le comte László Széchényi, célébrant une union de plus entre l’aristocratie européenne et la haute société américaine.
Autre cadeau de mariage, une broche signée Tiffany sertie d’un spectaculaire saphir pain de sucre du Cachemire de 42,68 carats, ultimes vestiges d’un ensemble particulièrement somptueux qui comprend aussi un nœud de diamants et émeraudes ou encore un bijou sentimental, une broche retenant un cœur en rubis et diamants.
Chez Christie’s, c’est l’écrin de Lady Helena Violet Alice Fraser, Comtesse de Stradbroke (1874-1949) qui sera dispersé. Avant son mariage, elle assiste au bal de Devonshire House en 1897 qui commémore le jubilé de diamant de la reine Victoria. Helena y va déguisée en Dalila et porte le collier de diamants à palmettes qui figure dans la vente. L’année suivante, elle épouse George Rous, 3e comte de Stadbroke.
Toutefois, le clou de la vacation revient à une admirable parure de rubis et diamants que l’intéressée arborera lors du couronnement d’Édouard VII en 1902. Á l’occasion de cet événement d’un luxe sybarite, les pairesses du royaume poseront pour l’objectif des photographes et Lady Stradbroke ne fera pas exception. Sur son portrait, elle arbore avec fierté la superbe broche en forme d’étoile, une autre broche ovale et, surtout, un fabuleux diadème aux motifs étoilés qui resplendit de rubis sang de pigeon, une opulence qui cadre bien avec la solennité de ce jour singulier. Des carats qui ruissellent à volonté, des pierres étourdissantes et des provenances illustres, les ventes de novembre tiennent toutes leurs promesses !
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