Elle ne s’offusquera certainement pas si vous l’appelez “Esmé”. Marie-Esméralda, princesse de Réthy, aurait été baptisée en référence, dit-on, au site de l’Esmeralda au Venezuela que son père, l’illustre Léopold III avait visité au début des années 1950. Le tableau est exotique, comme le sera toute sa vie. Esméralda est une femme qui a choisi de vivre son titre comme une responsabilité. Fille – préférée dit-on – du Souverain, elle a tracé sa propre voie entre journalisme, écologie, défense des femmes et mémoire historique. Une altérité assumée et un nom qui brille à l’étranger pour des causes fortes.
Née en 1956, fille du roi Léopold III et de Lilian Baels, elle appartient à cette branche de la dynastie marquée par la Question royale. Dans l’opinion, le départ forcé de son père en 1951, accusé d’avoir failli durant la Seconde Guerre mondiale, reste une blessure vive. Esmeralda, qui ne l’a jamais vu régner, s’est voulue au fil du temps la défenseure de sa mémoire. Elle multiplie conférences et témoignages pour rappeler la complexité d’un souverain dont elle souligne la passion scientifique et l’esprit visionnaire en matière d’environnement. Journaliste de métier, après avoir renoncé à une carrière au théâtre ou au cinéma quand elle était adolescente, elle a travaillé notamment pour la BBC, réalisant de grandes interviews. Elle publie aussi plusieurs ouvrages, dont Léopold III, mon père, un plaidoyer intime, mais aussi des portraits de femmes, comme sa mère Lilian, qui eut tant de mal à se faire aimer des Belges.
Rare princesse européenne à avoir fait carrière dans les médias, Esméralda s’est affirmée loin des palais, par la force de sa plume. Depuis des années, son combat est celui de la planète et de la justice sociale. On l’a vue aux côtés de Greta Thunberg, elle a marché avec le groupe Extinction Rebellion et fut même arrêtée à Londres, en 2019, lors d’une action pour le climat. Clichés saisissants d’une princesse menottée, assumant le poids du geste pour que le message passe. Esméralda en défend chaque acte : “Si nous ne désobéissons pas, nous n’aurons plus de futur”, dit-elle.
Le futur, pour elle, c’est d’abord celui de ses deux enfants, Alexandra et Leopoldo. Ils sont nés d’une histoire d’amour avec un pharmacologue hondurien, le professeur Salvador Moncada. Directeur de recherche, en 1998, il est déjà treize fois docteur honoris causa et a publié près de 700 articles scientifiques ! Pour Esméralda, l’amour est là, enfin, à quarante-et-un ans.
Aujourd’hui, avec le décès de son frère Alexandre et l’exode définitif de sa sœur aux États-Unis, elle reste l’unique représentante de la branche cadette des Argenteuil. La princesse Esméralda incarne une autre idée de l’excellence belge. Et si, finalement, l’histoire retenait d’elle non pas seulement la fille d’un roi contesté, mais la voix d’une Belgique qui, à travers ses princesses, sait défendre les causes les plus universelles ?
Photo de couverture : © Violaine Le Hardÿ de Beaulieu
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