Martin Boonen
20 June 2025
Dans un précédent billet, nous parlions de la profusion de l’offre de cuisine italienne à Bruxelles. Il y en a désormais pour tous les genres, tous les styles, toutes les régions. L’on peut désormais s’accouder au comptoir d’un bar à pizza milanaise à midi, et dîner dans un restaurant gastronomique romain aux tables napées de blanc le soir. Le lendemain, on pourra encore s’afficher dans le dernier établissement à la mode, ou passer les portes discrètes d’une osteria traditionnelle familiale… L’offre est donc vaste, morcelée et spécialisée. Il semblerait d’ailleurs que cette situation ait contribué à améliorer la qualité globale du marché de la restauration italienne à Bruxelles. Il faut donc s’en réjouir. Finalement, ce qu’il est peut-être plus difficile à trouver en revanche, ce sont des restaurants qui puissent faire le trait d’union entre toutes ces adresses parfois très typées : qui ne représentent ni un produit en particulier, ni une région géographique ou culturelle, qui ne soit ni trop conviviale, ni trop élitiste… bref, un restaurant italien qui embrasse le coeur de la cuisine transalpine : les bons produits, les bonnes cuissons, l’assaisonnement juste, et puis… surtout le goût !
© Catherine Linkens
Ne cherchez plus, vous êtes arrivé à l’Atelier Acqua e Sale. D’ailleurs, en parlant des fondamentaux de la cuisine italienne, tout est dans le nom : de l’eau et du sel. Soit, ce qui est strictement nécessaire à la cuisine des pâtes. Ni plus, ni moins.
D’ailleurs, si le nom ne vous dit rien, ce n’est peut être pas le cas du restaurant puisqu’il s’agit de la nouvelle identité de l’Atelier Dolce Amaro. Fondé en il y six ans par le tandem originaire des Pouilles, Fabio De Luca (en cuisine) et Nicola Marangi (en salle). Cette adresse était une spin-off du fameux Dolce Amaro du chef Felice Notarnicola qui s’était très vite fait une réputation de chantre de la cuisine italienne authentique à Bruxelles. Ce dernier ayant passé la main à un nouveau propriétaire, Fabio et Nicola ont préféré, par fidélité à leur ancien mentor (ou pour des raisons contractuelles qui ne nous ont pas été communiquées) ne plus faire référence à l’ancienne maison-mère. Va pour le changement de nom, mais pas question de renoncer à revendiquer leur héritage culinaire. Comme Fabio nous l’a confié en fin de repas : si la devanture change, en cuisine, rien ne bouge. Ce qui a fait le succès de l’Atelier Dolce Amaro continuera de faire briller l’Atelier Acqua e Sale.
Nicola Marangi et Fabio De Luca © Catherine Linkens
Mais comment cet attachement à la cuisine italienne générique se traduit-il dans le menu ? Voici quelques indices, non exhaustifs…
Actuellement, vous trouverez à la carte en antipasti, entre autres, un carpaccio de bœuf. Il est accompagné dans l’assiette par un boule de burrata, une tuile de parmesan et des lamelles de truffes… À première vue, voici un plat qui à l’air bien bavard, presque confus… Pourtant à la dégustation pas de doute : le chef Fabio De Luca sait ce qu’il fait. Il y a le croquant de la tuile, le moelleux de la burrata, la qualité et l’assaisonnement du bœuf… Et comme la truffe râpée est une truffe d’été (tuber aestivum) moins puissante que sa cousine hivernale (tuber melanosporum), elle apporte au plat de délicieuses notes de sous-bois sans écraser le reste du plat. C’est (très) gourmand mais étonnamment digeste.
© Catherine Linkens
En primi, on change complètement de registre et on file tout droit vers la simplicité en se laissant tenter par des orecchiette au ragù de cinta senese, une race porcine ancienne et rustique originaire des collines de Sienne, en Toscane. À voir la viande s’effilocher sous la fourchette, ou l’aspect nappant de la sauce, on sait, on comprend, on voit, que le ragù a eu le temps qu’il lui faut pour amalgamer toutes les saveurs des beaux produits cuisinés. Nicola Marangi, d’un geste précis, saupoudre quelques cuillerées de parmesan sur les pâtes, et voilà le fameux umami (le mystérieux osmazôme popularisé par Brillat-Savarin) qui s’invite à notre table.
La joile terrasse d'Aqua e Sale et particulièrement agréable par temps chauds © Catherine Linkens
Ces deux plats résument bien la carte de l’Atelier Acque e Sale et les oscillations qu’elle opère entre des plats bien conçus et subtils et des préparations classiques gourmandes réalisées avec soin. À chaque étape du menu, la carte permanente est accompagnée de suggestions du chef qui, d’après ce que nous avons pu en juger, valent vraiment la peine que l’on s’y attarde au moment de faire un choix. C’est le cas notamment des desserts pour lesquels nous nous sommes laissé aller à un tiramisu, au puissant goût de cacao, qui nous a rappelé que ceux que l’on trouve trop souvent ailleurs ne sont que des ersatz de cette douceur italienne patrimoniale.
La carte des vins reflète l’état d’esprit de la maison : on y trouve des choses soignées pour tous les goûts. Le soir de notre passage, nous avions épinglé un etna rosso à qui les cendres volcaniques avaient donné la pureté des vins de cette appellation. Frais et délicat, il a pu accompagner, sans pâlir ni trembler, toutes les préparations du dîner.
Fabio De Luca © Catherine Linkens
Mention spéciale au service organisé par Nicola Marangi : rythmé, tendu, presque nerveux mais toujours souriant, accueillant et chaleureux… une vraie sensation d’Italie, en plein cœur de St-Gilles.
Photo de couverture : © Catherine Linkens
Resataurant
Atelier Acqua e Sale
Adresse
Rue Defacqz, 86
1060 Saint-Gilles
Réservations
info@atelierdolceamaro.be
+32 (0)2 425 46 66
Sur internet
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