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Maxime d’Angeac ressuscite l'âge d'or de l’Orient-Express

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Nathalie Dassa

29 May 2025

L’architecte et designer français réenchante le voyage en train et en mer, se réappropriant les codes de l’hospitalité itinérante à travers deux projets d’envergure prévus à l’horizon 2026 : le train Orient-Express et les voiliers Orient-Express Silenseas. Rencontre.

L’Éventail – Comment s’est faite votre rencontre avec le groupe Accor pour que l’on vous propose ce projet de renaissance de ce mythe ferroviaire ?
Maxime d’Angeac – Je connaissais Sébastien Bazin depuis mes douze ans, mais je n’avais jamais travaillé avec lui. Nos chemins se sont croisés en 2021 dans le cadre d’une compétition pour un concours d’hôtels que je n’ai pas remportée. Mon projet lui avait plu par sa richesse et, dans la foulée, il m’a confié celui de l’Orient-Express. Depuis le rachat en 2018, le train était en stand-by. La volonté de Sébastien Bazin était très ambitieuse, et il n’a jamais failli. Il a tout assumé pendant la durée de conception. S’il n’avait pas été là en tant que capitaine d’industrie et aux avant-postes pour faire avancer ces deux grands projets, train et bateau, rien n’aurait abouti.

© Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

© Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Des voitures originelles de l’Orient-Express ont été redécouvertes entre la Biélorussie et la Pologne. Comment avez-vous repensé ce travail patrimonial ?
 Les trésors du train se trouvent à l’intérieur, mais les numéros historiques de ces voitures sont aussi importants, car ils permettent de reconstruire un train historique. Ces wagons ont été laissés à l’abandon pendant trente à quarante ans. Vous ressentez une certaine émotion quand vous vous promenez à l’intérieur, mais vous voyez également l’ampleur du projet. Arthur Mettetal, historien chez Accor, s’est occupé des recherches et a rapatrié toutes ces voitures. Il a fallu ensuite les désamianter, les réparer, les réadapter aux nouvelles normes et faire les demandes de certification des matériaux. Et à partir de là, nous avons tout repensé. On a ainsi recréé un Orient-Express à l’image de la vision des fondateurs, entre Art nouveau et Art déco. Le train de 2026 est dans la même veine.

Tout d’élégance et de mystère, ce couloir de l’Orient Express, aux boiseries miroitantes et tapis graphique, évoque le faste des voyages d’antan et le charme du luxe sur rails. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

© Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Vous puisez dans le Modulor du Corbusier, l’Art déco, les styles paquebot, Empire et contemporain. Vous faites revivre le motif “rail” de Suzanne Lalique, la décoration de René Prou et les panneaux de marqueterie Morrison et Nelson. Fut-il difficile de réinventer ces atmosphères avec vos artisans français ?
 Depuis mes dix-huit ans, je suis bercé d’influences. J’ai toujours travaillé au-delà de l’entendement, nourri par les voyages, les recherches, la lecture, le dessin. J’ai été formé par un atelier d’architecture très classique et exigeant. Fort de cet apprentissage et de cette soif de comprendre les débuts du XXe siècle, une période que j’affectionne, j’ai un bagage mémoriel, culturel, historique et solide. J’ai donné l’importance à la marque et au concept plutôt qu’à la notoriété du nom et à l’effet de mode. Chaque fois que les choix devenaient tendance, on les a retirés. Il n’y a aucune copie dans le train ou le bateau. Ce sont des Lalique d’origine. Les nouveaux panneaux en verre n’ont pas la même finesse ni la même profondeur ou le même niveau de détail de ceux de 1920. Je me suis donc tourné vers ceux qui pourraient être les Lalique de demain. J’ai travaillé avec les verriers Emmanuel Barrois et Bernard Pictet.

Cette suite marie boiseries précieuses, motifs Art déco et lumière feutrée, invitant au voyage. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Qu’avez-vous apporté de nouveau dans les conceptions intérieures ?
 Les voitures originelles contenaient dix petites cabines, des commodités au bout du couloir et deux couchettes superposées. Cela ne correspond plus aux standards du luxe. Le concept de la “grande transformation” est l’idée qui m’a plu : on part dîner en quittant sa chambre pour deux heures et, à notre retour, les lits sont dressés. C’est une préparation entre le jour et la nuit. J’ai donc privilégié un espace mixte chambre et salon qui se transforme (canapé en lit), avec toujours le même confort. Pas de place perdue. Il était important de garder cette dominante “confort et ergonomie” de l’Orient-Express. Je voulais donner du volume et de la profondeur au regard, tout en jouant avec les fenêtres, inhérentes au décor. Les intérieurs ont été aussi pensés en fonction des longueurs de quai possibles pour pouvoir circuler. Cela donne une configuration de seize à dix-sept voitures pour soixante-deux passagers en permanence dans un train d’1,98 mètre de large. Nous avons toujours travaillé sur la perspective, la lumière et les détails.

Pour contrer les lignes et les designs stricts du train, Maxime d’Angeac a introduit la forme circulaire, ajoutant de la douceur et de l’équilibre. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

© Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Du train qui défie le temps, vous êtes passé à sa déclinaison maritime inédite avec les voiliers. Comment s’envisagent ces environnements différents, entre contraintes et libertés ?
 L’esprit reste le même. L’Orient-Express est une histoire de voyage et mon travail a toujours été dans le mouvement. Entre terre et mer, il existe ce parallèle intéressant entre la richesse de la Compagnie des wagons-lits et la Compagnie générale transatlantique. Les deux ont fait preuve d’innovation en développant le luxe français et leur façon de voyager à travers le monde. J’ai lié ces deux approches pour proposer un navire radicalement différent de tout ce qui se faisait. Je ne voulais pas d’un bateau de croisière en série qui n’intéresse personne et qui aurait trahi la marque.

L’Orient Express Corinthian, un écrin flottant où le raffinement règne en maître. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Le Corinthian est le premier des deux navires, inspiré de l’âge d’or des croisières. Quels ont été les grands défis, entre nouvelles technologies et énergie durable ?
 Le premier était de réintroduire des matériaux peu utilisés dans le domaine de la croisière depuis le France et le Queen Mary 2. Ces deux paquebots ont cessé d’utiliser des parquets vernis, des marbres trop lourds et des tissus qui n’avaient plus de certification. Il a fallu les obtenir à nouveau, ce fut compliqué. Le second était de répondre aux angoisses des chantiers navals et de l’Atlantique. Tout ce qui n’est pas défini plus d’un an à l’avance ne peut être envisagé. Quand vous leur annoncez que vous allez créer cinquante-quatre salles de bains différentes, cela devient impossible. Il faut donc trouver des systèmes pour que tout fonctionne sur un navire de 220 mètres de long et 26 mètres de large. Tout le mobilier, commandé et dessiné sur mesure, sera sur les deux bateaux.

Chaque détail évoque l’âge d’or des voyages, entre élégance intemporelle et horizons infinis. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

Boiseries précieuses, lumière dorée et vue panoramique sur le large, pour une croisière hors du temps. © Maxime d'Angeac & Martin Darzacq

– Vous avez défini l’Orient-Express comme le “projet d’une vie”…
 Je commence à respirer. J’en suis un peu à la cerise sur le gâteau. Mais plus qu’un projet, ce fut surtout une proposition incroyable, celle d’une vie. C’est la deuxième grande marque avec laquelle je travaille, après la maison Guerlain sur les Champs-Élysées. J’aime ce travail de recherche et d’étude sur des enseignes fortes et les ramener dans la réalité de notre temps. Je serais ravi d’entamer une nouvelle et troisième collaboration.

– Le bateau et le train sont prévus respectivement au printemps et à l’automne 2026. Des projets au-delà ?
 J’ai un projet d’exposition d’envergure nationale avec le groupe Accor et beaucoup d’autres projets particuliers et d’hôtels. 2026 va être très riche en accomplissements.

Photo de couverture : La voiture-bar mêle teintes vertes chaleureuses, palissandre, marbre et bronze, avec un comptoir en verre à son extrémité. © Maxime d’Angeac & Martin Darzacq

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