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Rédaction

05 March 2020

© DR/Shutterstock.com

Étrange début d'année pour l'Union Européenne. Alors que les dirigeants d'Airbus annonçaient que leur entreprise venait de déloger Boeing de la première place mondiale en livrant au cours de l'année 2019 huit cent soixante-trois appareils à quatre-vingt-dix-neuf compagnies de par le monde, le monde politique européen n'eut pas le temps de s'en réjouir. Ses dirigeants venaient d'apprendre qu'une trêve a été conclue en Libye. À priori, la nouvelle aurait dû être accueillie avec satisfaction. Cela faisait des mois que les diplomates tentaient d'obtenir ce résultat. Si la paix revient sur ce territoire, pensaient-ils, les autorités libyennes pourront mieux contrôler l'immigration venue d'Afrique sub-saharienne et surtout reprendre le contrôle du sud du pays où prolifèrent les mouvements djihadistes. Seulement voilà, ce n'étaient pas des Européens qui avaient parrainé le cessez le feu mais Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine.

Le président russe Vladimir Poutine et le président turque Recep Tayyip Erdoğan
© Turkish Presidency/Zuma Press/Photo News

Devant l'offensive du « maréchal » Haftar dont les troupes étaient arrivées aux portes de Tripoli, le Gouvernement d'accord national reconnu par l'ONU avait fait appel au Président turc et celui-ci lui avait promis de lui faire parvenir du matériel militaire et des soldats. Le Reis comme on l'appelle chez lui, ou le Sultan comme on le surnomme en Occident, revendique un rôle en Libye au nom du passé de l'Empire ottoman qui régna sur ces terres plutôt désertiques du 16e siècle à 1911.

En échange des bons procédés du « Sultan », le gouvernement de Tripoli lui accorda une délimitation des eaux territoriales qui eut empiété sur celles de la Grèce, de Chypre et d'Israël, zone potentiellement riche en hydrocarbures que doit traverser un gazoduc prévu par ces pays. Entretemps, la Russie avait envoyé des mercenaires dans l'autre camp, celui du « maréchal » Haftar au nom des relations passées entre l'Union soviétique et la colonel Kadhafi.

Le maréchal Haftar
Le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis rencontre Khalifa Haftar, commandant de l'Armée Nationale Libyenne, à Athène le 17 janvier dernier. © Pacificcoastnews/Photo News

Malgré les intérêts opposés de leurs pays, le sultan Erdogan et le tzar Poutine avaient réussi à parrainer un cessez-le-feu parce que leur hostilité commune au monde occidental l'emportait dans ce cas sur leurs objectifs nationaux. Toutefois, la trêve qu'ils initièrent ne tient que quelques jours et, en fin de compte, ce fut la procédure décidée dans le cadre de l'ONU qui permit un apaisement temporaire du conflit. Mais, les Européens avaient craint de voir se renouveler leur éviction de Syrie où, depuis trois ans, trois puissances mènent le jeu, Russie, Turquie et Iran. Là aussi, les objectifs des trois associés sont différents et même contradictoires. L'Iran et la Russie soutiennent le régime de Bachar el Assad, Téhéran parce que ses alliés, les Alaouites au pouvoir à Damas, peuvent lui donner accès à la Méditerranée, Moscou parce qu'ils lui ont abandonné une base maritime et parce que la Syrie fut un état client de l'URSS. La Turquie, au contraire, veut la chute du régime et se présente en protectrice des sunnites majoritaires en Syrie.

Une carte de la Syrie
© DR/Shutterstock.com 

Depuis que la reconquête du pays par les troupes gouvernementales, puissamment aidées par l'aviation russe, se confirme les relations se tendent entre Moscou et Ankara. Ces alliances ne sont donc que de circonstance. Elles sont le fruit de la nostalgie de nations qui dans un passé souvent éloigné ont été des empires jouant un rôle central sur la scène mondiale d'où ils ont été sinon évincés du moins relégués au second plan par l'Europe et les États-Unis.

La Chine aussi est animée par cet esprit de revanche mais elle procède de façon plus subtile. Ranimant les routes de la soie, elle profite de sa puissance financière au moins momentanée pour acheter aux nations européennes en difficulté des infrastructures qu'elle juge stratégiques. C'est le cas des ports, le Pirée en Grèce, Gênes en Italie, et du réseau de téléphone mobile au Portugal.

Une vue aérienne du port de Gènes, en Italie
Le port de Gènes © DR/Shutterstock.com

Mais, la nostalgie d'un Empire disparu mine aussi l'Europe de l'intérieur. Ce début d'année 2020 a été marqué par l'au revoir adressé par le Royaume Uni à l'Union européenne. Une partie des Britanniques veut croire que, libéré des attaches avec Bruxelles, leur pays va redevenir une « Global Britain », une Grande-Bretagne retrouvant un rôle mondial. Boris Johnson se complait à s'imaginer dans les habits de Winston Churchill. C'est ce qui l'a mené à engager les négociations sur les relations futures avec l'UE sur une base qui pourrait mener à une rupture totale des liens tissés avec le continent depuis quarante-sept ans.
Les attaques que subit l'Union sont d'autant plus douloureuses qu'elle doit les repousser seule, l'Amérique de Trump s'étant retirée des alliances nouées entre les deux rives de l'Atlantique.

Le premier ministre du Royaume-Uni Boris Johnson serre la main du président des États-Unis Donald Trump
© Christian Hartmann/Pool/Bestimage/Bestimage/Photo News


Toutefois, les ambitions des nostalgiques du passé trouveront leurs limites. La Turquie, la Russie et l'Iran connaissent des difficultés économiques. Erdogan voit dans une aventure nationaliste le moyen de faire oublier la contestation dont il est l'objet à domicile. La Russie est un pays qui ne sait fabriquer que des armes et qui malgré ses ressources en hydrocarbures n'a un PIB qu'à peine supérieur à celui de l'Espagne. On sait ce qu'il en est de l'Iran étranglé par les sanctions américaines et la corruption. La Chine est certes assurée de devenir à terme une très grande puissance mais, trop pressée d'y parvenir, elle a chancelé sous les attaques du coronavirus, attaques qui ont révélé ses faiblesses structurelles. Quant à la Grande-Bretagne, on peut penser qu'elle reviendra rapidement à la raison. Elle fait 47% de ses exportations vers le continent tandis que les Vingt-sept n'exportent vers elle que 7% de leur production.

Des touristes portant des masques contre le coronavirus en Italie
Des touristes portent des masques pour se protéger du Coronavirus en Italie, dans la célèbre galerie commerçante Victor Emmanuel II © DR/Shutterstock.com

Les fantômes du passé n'auront pas toujours raison. Et, l'Union européenne cahin-caha poursuivra son chemin.

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