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Corinne Le Brun

06 December 2023

Conan est d’abord adapté sur grand écran par John Milius en 1982 d’après l’œuvre originale de Robert E. Howard. En 2023, Bertrand Mandico donne une version largement revisitée du mythe, aux antipodes de celui interprété par Arnold Schwarzenegger. Car Conann avec deux N, est loin des clichés de virilité. Le réalisateur joue avec les codes du genre et du temps pour mettre en scène la vie de Conann la barbare à travers six chapitres de sa vie, incarnés par six actrices bien différentes les unes des autres. Trahison, barbarie, anthropophagie, amour impossible… Rainer, le chien des enfers, va ouvrir les portes d’un voyage dans les limbes, sur les traces de la barbare. Conann parle d’elle et de nous, de la vieillesse, de la jeunesse, on la suit sur plusieurs décennies de sa vie. Bref elle nous raconte le temps qui passe et qui tue ou pas ? Bertrand Mandico fait des sauts dans le temps, de la période antique du monde celte, du Moyen Age aux années nonante dans le Bronx, à un futur proche…

– En quoi Conan vous fascine ?
Conan est un prétexte. Dans l’inconscient collectif, il est associé à la barbarie. Accompagner Conan, c’est partir d’un monde primitif, antique, barbare pour aller aux sources du récit et, après, quitter la mythologie pour le confronter au monde contemporain. Et être dans un discours frontal par rapport à la dégueulasserie du monde, parler de la guerre, de la corruption… J’ai voulu le faire avec du mélodrame, du spectaculaire, de l’ironie tout en voulant regarder le spectateur droit dans les yeux.

– Pourquoi “Conann” avec deux N?
À l’origine, Conann, avec deux N, est un personnage de la mythologie celtique irlandaise. Surnommé Le Conquérant, il est connu comme chef de guerre des Fomoires qui sont des demi-dieux. Robert Howard, auteur de Conan le Barbare (1932), transforme Conan en une sorte de barbare analphabète aux muscles hypertrophiés, entouré d’héroïnes aussi stupides que dénudées. Le cinéma s’est emparé de cette figure avec Conan le Barbare de John Milius (1982) puis Conan le Destructeur» de Richard Fleischer (1984), tous deux incarnés par Arnold Schwarzenegger. J’ai voulu débarrasser Conan de sa virilité. Et pour moi, le deuxième N est une façon à la fois de travailler sur la féminisation de Conan et sur sa multiplicité. On aurait pu mettre six N puisque les Conann sont au nombre de six dans le film. A 15 ans, Conann voit sa mère se faire tuer, elle va vouloir se venger. Et, finalement, elle trouve un moment de paix quand elle devient amnésique. Je ne cesse de dérouter sa vengeance. Je vais l’amener à aimer celle qu’elle veut tuer. Dès qu’il y a du regret, il y a de l’espoir.

– Quel est le rôle de Rainer, le chien bipède des enfers ?
Il doit son nom à Rainer Fassbinder à qui je voulais rendre hommage. Il incarne la figure de l’humain à tête de chien, Parce que, pour moi, le chien, c’est l’animal qui fait passer de l’autre côté. Dans toutes les mythologies, le chien va passer dans le monde des morts et puis, revenir. Rainer est un petit démon loubard, corruptible. Il s’humanise, il va tomber amoureux de Conann. Il sait que son amour est impossible. C’est sa malédiction.

– Six actrices différentes incarnent Conann. Pourquoi ?
Plutôt que de choisir une actrice relativement jeune qu’on fait vieillir à coups d’effets spéciaux ou de maquillages, j’ai choisi six actrices différentes qui ont l’âge du personnage, chacune incarnant une décennie

– Vous donnez à voir « le spectacle de la barbarie ». Comment s’est déroulé le tournage ?
Il était très organisé. Nous avons tourné la nuit, pendant cinq semaines, dans une ancienne usine de sidérurgie au Grand-Duché du Luxembourg. Elle était tellement immense qu’on ne pouvait pas tout couvrir. J’ai choisi d’utiliser le dispositif de la grue sur rail qu’il me fallait changer chaque nuit. Perché sur la grue, je déployais la mise en scène en rayonnant autour du rail. C’était un vrai casse-tête de mise en scène. Mais, pour moi, ce dispositif ancien était très important parce qu’il fallait à tout prix que j’aie cette fluidité dans les mouvements. Max Ophuls fait partie de mes références parce que j’adore sa façon d’appréhender ses plans-séquences avec une douceur absolue. Son film Lola Montès (1955) m’a énormément influencé. Perchée sur un trapèze, avec un monsieur Loyal qui est amoureux d’elle, Lola Montès se raconte au travers de son numéro de cirque avant de faire le grand saut. Cette structure m’a un peu servi de matrice pour Conann. La contrainte oblige à développer la créativité, à créer un style à part entière.

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Informations supplémentaires

Film

Conann

Réalisation

Bertrand Mandico

Distribution

Elina Löwensohn, Christa Théret et Julia Riedler

Sortie

En salles

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