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Corinne Le Brun

06 December 2017

© Nabil Cheikali

L'histoire de Lila (Nawell Madani) évoque sa vie entre Bruxelles, où elle est née, et Paris, où elle s'est révélée en tant qu'artiste. Un premier film inspiré, dans lequel humour et émotions s'entremêlent avec énergie.

- Quel est le point départ de votre film ?
- L'idée est venue d'un producteur (NDLR : Cyril Colbeau-Justin, co-scénariste) qui m'avait suggéré de transposer mon spectacle au cinéma. En fait, je voulais surtout traiter d'une double thématique universelle : le rapport au père et la rage de vivre ses rêves. Pas mal de films américains m'avaient donné envie d'aller au bout de mes rêves: « Flash dance », « Billy Eliott », « À la recherche du bonheur » restent des références. Je n'ai pas trouvé d'équivalent dans le cinéma français. Je voulais transmettre cette envie à travers une Anderlechtoise, fille d'un taximan, qui veut vivre son rêve d'artiste à Paris. Le film parle de moi mais pas complètement. J'ai créé le personnage de Lila pour avoir une distance.

- François Berléand est une belle surprise. Comment l'avez-vous convaincu de vous rejoindre ?
- Je lui ai envoyé le scénario et dans le corps du mail je lui ai mis « viens sur mon film tu auras des tajines à la cantine ». Il a accepté tout de suite à la condition que je lui promette de réaliser ce que j'ai écrit. On a réussi ! François a ce quelque chose à la Clint Eastwood, cette mono expression, placide. On n'a pas envie de rigoler avec lui au début, tout est intériorisé.

 
 © Nabil Cheikali

- Réaliser un (premier) film, monter un spectacle, quel est l'exercice le plus difficile ?
- C'est incomparable. La réalisation d'un film est beaucoup plus dur : soixante techniciens sont mis à disposition, les enjeux financiers sont énormes, l'artistique doit trouver sa place dans toutes ces contraintes. Je n'ai jamais été découragée. J'ai la chance de pouvoir faire un premier film. Combien n'ont jamais pu être finalisés ? J'ai été sauvée par un producteur belge (NDLR : Sylvain Goldberg). « C'est tout pour moi » a pris deux ans pour le terminer, cinq semaines de tournage sur le rythme d'un téléfilm. J'ai écrit mon scénario (NDLR : 125 pages) très vite. Heureusement, des coscénaristes m'ont accompagnée pour élaguer, venir à l'essentiel.

- Quel plaisir avez-vous ressenti dans la réalisation ?
- J'ai adoré réaliser parce que je mets en lumière de nouveaux acteurs. 90% d'entre eux sont des amateurs. Le rôle principal du père (NDLR: Mimoun Benabderrrahmane) est un chauffeur Uber. C'est son premier film. À presque 65 ans, il se voit proposer d'autres rôles. C'est magnifique.

 
© Nabil Cheikali 

- Paris fait encore rêver ?
- Complètement. Paris est une vitrine médiatique. On n'a rien en Belgique, en tout cas dans la partie francophone. Vous connaissez une émission de divertissement équivalente à « Rire et Chansons » ? L'offre est encore plus pauvre aujourd'hui. On ne se met plus en danger. On récupère des émissions françaises qu'on rediffuse. Alors qu'on a tout en Belgique. Comment se fait-il que les Flamands réussissent et pourquoi pas nous ? Ceci dit, je ne suis pas encore invitée dans les émissions flamandes (rires).

- Quel regard portez-vous sur les jeunes et le terrorisme ?
- On est touchés, on a peur. J'ai vécu le terrorisme pendant dix ans en Algérie. Je le vis au quotidien à Paris et en Belgique. Certains jeunes ont arrêté de rêver. On leur a dit qu'après la mort il y a quelque chose de bien qui les attend. Dans quel cynisme ils sont pour penser de la sorte ? C'est que leur vie ici, elle est nulle. Les jeunes n'ont pas assez d'accompagnement, on les laisse rester entre eux, ils se gangrènent mutuellement. Il y a carrément une rupture de dialogue avec les parents. Ils ne sont plus connectés. Toute la famille est dans l'urgence. Personne ne fait pas le pas vers l'autre. L'histoire de Lila avec son père ressemble un peu à la mienne. Mon père avait peur que je me perdre et de me perdre. Je suis partie contre lui et je me suis perdue. Là, j'ai réussi parce que j'ai fait grandir mes parents avec moi. J'ai forcé mon père, je l'ai emmené dans le théâtre, je me confrontée contre lui. Il faut insister, forcer même si cela va au clash. Il faut mettre l'orgueil de côté, on ne doit pas en avoir devant tant d'amour. On a tous envie de briller dans le regard de ses parents. Comment faire pour regagner le père est un des thèmes du film. La mère pardonne toujours.

« C'est tout pour moi » de et avec Nawell Madani. Avec
François Berléand, Mimoun Benabderrrahmane, Leyla Doriane.
En salle.
La Grande Bellezza © L’officine Universelle Buly

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