C’est à travers le prisme des Cahiers d’art, célèbre revue qui fut dans l’entre-deux-guerres le porte-voix du modernisme international, l’exposition centrée sur “le tournant des années 1930” réactive ainsi indirectement le duo Matisse-Picasso, alors très présent. Loin de l’héritage classique et de la vision conservatiste nationaliste, la mise en valeur des arts archaïques et extra-occidentaux par les Cahiers d’art inscrivit les œuvres de Matisse et de Picasso, et de leurs contemporains (Braque, Miró, Léger…) dans une perspective universaliste et transhistorique révolutionnaire.

L’évocation du voyage à Tahiti du peintre en 1930 et de sa collecte d’objets exotiques et ethnographiques dans l’exposition fait écho à ces affinités esthétiques dont on cherche les traces dans les toiles du maître, jusqu’à ce qu’elles nous apparaissent avec évidence dans la prééminence des lignes graphiques. Contrairement à son concurrent ayant puisé dans les volumes à facettes des masques africains son esthétique cubiste, c’est à l’épure, au tracé linéaire, si présent dans les arts premiers, que Matisse livrera ses couleurs, dans ses toiles comme dans ses papiers découpés. Incisive et dansante, la ligne se fera bientôt arabesque…