Eric Brucher
12 June 2024
Certes, il y a l’exil de ces vieilles dames dans ce lieu soustrait à l’humanité ordinaire ou active ; certes, il y les petites méchancetés qui valsent et le persiflage acide de ces braves personnes entre elles. Mais ce qui touche et en même temps amuse – et parfois tellement fort ! – c’est chacune aux prises étonnées avec ce corps qu’elles ne reconnaissent parfois plus, puisque l’âge que l’on se sent n’est plus nécessairement celui de ses artères. Or elles n’ont pas renoncé, certes, à vivre les plaisirs de l’anatomie… Ah, chère madame Spinette, la bien-nommée… Un régal d’implicite, de sous-entendus, de second degré. Puis il y a les souvenirs aussi, “frétillants” et “fougueux”, « pas du tout convenables », ces souvenirs « en pleine forme » autour de soi, que le corps comme l’esprit ne saurait se résoudre à oblitérer. Alors oui, on rit beaucoup – j’ai ri beaucoup : l’intégration des migrants, les escargots, les marches, l’oraison et la discipline…
Et puis la logique, disons, parallèle de ces vieilles dames (non, pas de monsieur dans ces chambres, ils ont tous déjà été enterrés : du moins ils ne manquent pas de se rappeler à leurs bons souvenirs), en contraste évidemment avec celle des services et soins prodigués. “Déconnectées”, dit-on à ces bonnes dames, c’est-à-dire fêlées (à la mesure des crevasses de leurs rides), pour ne pas dire folles… Et le contraste entre ces deux logiques est naturellement très drôle également.
Ah, ces modestes petites fleurs que sont les pâquerettes : ne sont-elles pas, par-delà la mort, promesse et annonce de résurrection ? D’ailleurs, comme madame Serein, lorsqu’on est en réalité Sœur Marguerite-Marie Alacoque, béatifiée et dûment canonisée, n’est-on pas très vivante pour toujours auprès de Jésus ?
Photo de couverture : © Corinne Hoex
Livre
Les Reines du bal
Autrice
Corinne Hoex
Éditeur
Grasset
Sur internet
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