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Corinne Le Brun

23 August 2019

© Astrid

Lire un de ses romans, c'est à coup sûr passer un moment agréable. Bienveillance, humanité et optimisme traversent les pages de son dernier opus La personne de confiance. Didier Van Cauwelaert, auréolé du prix Goncourt en 1994 (Un aller simple), y fait se rencontrer deux êtres que tout sépare et qui vont s'unir dans un récit à suspense, rocambolesque à souhait. Max, un jeune conducteur grutier de la fourrière, embarque une limousine mal garée. Un travail de routine sauf qu'une vieille dame est assise sur le siège arrière de la voiture. Catastrophe. Max risque le renvoi immédiat. Contre toute attente, Madeleine la vielle dame à la tête d'une biscuiterie de renom, sous l'emprise de médicaments, accorde toute sa confiance à Max. Une histoire de renaissance à deux puis à trois personnages que l'auteur catapulte joyeusement du côté de la vie et ses coups de théâtre.

Eventail.be - La confiance en quelqu'un aide-t-elle à mieux vivre ?
Didier Van Cauwelaert - Elle ne va pas de soi. Trouver une personne de confiance est rare. Certains la trouvent d'autres pas. Ce qui m'intéresse c'est surtout le processus qui déclenche la confiance chez quelqu'un qui n'y croit plus guère. Elle va lui donner les clés de la vie, un élan d'empathie inespéré. Un matin, Max, grutier, va un peu vite et emmène une superbe Rolls Royce aux vitres teintées avant de s'apercevoir qu'elle est occupée par une très vieille dame. En soulevant la voiture, Max enlève Madeleine, une richissime patronne d'entreprise qui n'a plus toute sa tête. Dans mes romans, j'aime bien les situations très concrètes. Cela commence par un léger incident et après cela débouche sur des choses extravagantes, insensées, voire catastrophiques.

- Max et Madeleine ont eu une enfance cassée...
- Oui c'est pour cela qu'il y a cette alchimie. De cette enfance mal partie, ils ont fait un atout. Max, orphelin traîné d'une famille d'accueil à l'autre, devient recordman de la fourrière. Elle, ancienne héroïne de la résistance, espère retrouver l'amour de sa vie. Elle choisit un jeune inconnu, Max, pour la défendre contre sa famille qui essaie de la faire passer pour folle pour s'emparer de son entreprise de biscuits en la gavant de médicaments. Max et Madeleine ne sont pas des haineux. La résilience donne cette distance qui stimule le phénomène de gratitude et la manière dont on se construit à partir de premières pierres dans son jardin.

- Vous aussi les aidez à s'en sortir, par l'humour que vous injectez dans l'histoire
- Si Madeleine n'a pas cet humour et tout cette force qu'elle met dans le travail et dans la mémoire de l'amour perdu, elle ne serait pas cette femme qu'elle est aujourd'hui. Elle est légitime à vouloir du mal. Max, cow boy urbain, a sa logique confrontée à celle des autres. Ce sont deux têtus qui ne transigent pas. Et cela va créer des atomes crochus. L'humour des situations, le côté incongru est un révélateur des réalités profondes parce que cela perturbe : subitement, tout se déglingue. L'humour aide à rendre la réalité plus respirable sans la dénoncer. À force d'employer la haine, la dénonciation, l'infantilisation, la culpabilisation, on met tout dans le même sac, tout est traité pareil. On est dans une société très malade. L'humour consiste justement à faire prendre conscience du côté relatif des choses. Il y a une crise de l'humour au nom du politiquement correct. Je pense qu'il faut donner à voir les choses. Les grands humoristes, Desproges, Le Luron, Devos ont compris cela.

Thierry Le Luron © Photonews

- Selon vous, quelles sont les plus belles pages décrivant l'été ?
- Sans hésiter La vouivre de Marcel Aymé qui nous raconte l'été dans les campagnes, le Jura et dans la forêt, chez les paysans. Il décrit la chaleur figée de l'été qui va avec l'effort physique nécessaire des moissons, du travail de la terre, et, en même temps avec les ombrages de la forêt et des étangs. Le film est complètement raté, c'est dommage (La vouivre de Georges Wilson, en 1988, ndlr).

Suzanne Flon, César du meilleur second rôle féminin pour La vouivre, de Georges Wilson © Photo News/Arnal-Picot/Gamma

Le surgissement du fantastique dans la réalité et de l'humour dans les tensions des rapports permet de parler à la fois de la psychologie des profondeurs de l'être humain et de son rapport au réel et donc de la société. Je le relis très souvent, aussi bien en hiver qu'en été.

- Vous écrivez pendant l'été ?
- Je ne suis pas un homme de saison. Je vis à la campagne, dans la forêt de Rambouillet. Je m'occupe des arbres. L'été, pour moi, c'est plus des traumatismes forestiers, des araignées rouges, les dangers de la sécheresse. Tout cet équilibre livre les émotions cachées des plantes. J'ai été ami avec le grand botaniste Jean-Marie Pelt. Je suis aussi passionné par les animaux que par les plantes parce qu'ils m'ont aidé à comprendre des choses fabuleuses sur leur comportement, leur l'intelligence. Quand les autres sont en vacances, je termine mon travail d'écrivain en profondeur. Je commence l'écriture d'un nouveau roman. Je n'aime pas la grosse chaleur. Le vrai luxe, c'est avoir frais sans climatisation grâce à la fraîcheur naturelle du toit de chaume et de murs épais de ma maison.

- Vos lectures de vacances ?
- D'habitude, je lis 5 à 6 livres par mois. Je profite de l'été pour retrouver certains auteurs. L'an dernier, j'ai relu Félicien Marceau, un des plus grands commentateurs de Balzac. C'était un grand ami, doté d'un humour, d'une psychologie des femmes fabuleuse. Son roman Creezy a obtenu le prix Goncourt (1969).

Félicien Marceau © Photo News

Jacques, le narrateur, un carriériste à la Macron en relation avec les hautes sphères de la finance, nous raconte son idylle avec Creezy une cover-girl ultra connue. Cette fille va casser tout son édifice parce qu'elle devient plus importante que le reste. Lisez-le cet été !


La personne de confiance
Didier Van Cauwelaert
Ed. Albin Michel

Société

Vie mondaine

25/03/2024

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