Marc Cremer-Thursby
25 February 2022
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Staline ordonna la déportation en bloc des Allemands de la Volga vers le Kazakhstan ou la Sibérie. Lorsque le rideau de fer disparaît, en 1991, à la chute du Mur du Berlin, les Allemands de la Volga n’hésitent guère : ils vendent l’ensemble de leurs biens et profitent du droit au retour dans leur patrie.
Alexander Dik © Liesa Johannssen-Koppitz
Enfant, Alexander est donc allé à l’école à Berlin, dans le quartier de Marzahn, faisant au passage l’expérience douloureuse de l’immigration, lui que l’on traite comme un étranger. Mais ce destin familial a façonné sa vie, changé sa perception du monde et de lui-même, tout en lui donnant la force de persévérer et la capacité de poser un regard avisé sur le monde.
Rotbart [Barbe Rouge], 2021, huile sur toile, 150 x 250 cm. © DR
Son pouvoir “d’articulation” se reflète dans les couleurs de ses œuvres, lorsque le rouge l’emporte sur le fond ou que le jaune crée le calme, quand devant lui le bleu se fond ou que le noir se fait aussi profond que la nuit. Ses couleurs nous parlent : elles nous montrent que nous ne sommes humains que si nous nous comportons comme des êtres sensibles ; comme nous respirons, comme nous sommes parfois dépressifs, indécis, malades et parfois, alternativement, sans raison apparente, nous nous réjouissons d’avoir une vie agréable et remplie de joie, comme lorsque nous sommes amoureux, et que nous ressentons des émotions pour l’autre.
Dans son expressionnisme abstrait, Alexander Dik donne entièrement la prééminence au contenu sur la forme. Il s’agit d’une concentration intérieure sur un thème, qui est porté sur la toile avec puissance et force, loin de toute inhibition grâce à la couleur. Il suffit de se tenir devant l’un de ses tableaux et, dans un bref moment de silence, les couleurs viennent nous cueillir, nous interpeler. Toute la palette des couleurs peut apparaître sur une de ses toiles, et les formes dépeignent ce que nous ressentons au moment de la contemplation ; ce qui s’ouvre à nous lorsque nous sommes réceptifs.
Drachenreiter [Cavalier de Dragon], 2021, technique mixte sur toile, 300 x 200 cm. © DR
En tant que peintre, Alexander Dik est avant tout un artisan. Rares sont les artistes qui, comme lui, maîtrisent autant de techniques différentes : il brosse, il spatule, il jette les couleurs sur le sol en faisant des coulures (le “dripping“). Parfois, les pigments s’accumulent sur la peinture comme des reliefs montagneux. C’est le cas d’une toile, intitulée Bateau pirate, créée à partir de parchemin collé sur la toile.
Alexander Dik choisit un thème qui obéit à des structures narratives claires. Son tableau Sternenfänger (Cueilleur d’étoiles) reconstitue l’opération Paukenschlag, lorsque les sous-marins de la marine allemande patrouillaient au large de la côte est américaine, en 1942.
Alexander Dik est un artiste en quête perpétuelle. Il cherche pour nous… à charge pour nous d’accueillir ses trouvailles. C’est du moins ce que l’on ressent face à ses œuvres. On se sent touché, pris dans des associations de pensées… autant de moments où notre âme s’exprime. Cette âme qui réside quelque part dans notre corps, mais que nous avons tant de mal à décrire. Face aux tableaux d’Alexander Dik, nous prenons conscience de notre âme plus que jamais.
Les œuvres de l’artiste seront présentées lors de deux expositions majeures en 2022 : à la Beijing Art Fair et à l’exposition collective de l’Art Archive Museum (Pékin), organisées par Pashmin Art Consortia.
En couverture : Friedhof der Toten Dichter [Cimetière des poètes morts], 2021, huile sur toile, 150 x 150 cm. © DR
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Alexander Dik
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