Hughes Belin
27 September 2024
Le filet américain est né il y a cent ans à la Taverne royale, dans la Galerie Saint-Hubert à Bruxelles. Jusqu’alors, les serveurs préparaient un steak tartare en salle, à la table où il était commandé, selon leur propre recette. Celle-ci comprenait de la viande hachée de bœuf, bien sûr, à laquelle on ajoutait selon l’humeur du jour des œufs crus, de la moutarde, des anchois, de l’ail et, parfois, du jus de citron.
Le Vieux Saint-Martin dans les années 70' © Au Vieux Saint-Martin
Le problème, c’est que la recette n’étant pas standardisée, ni du point de vue des ingrédients ni de leur quantité, le produit final variait considérablement d’un serveur, voire d’un jour à l’autre. Le directeur de la Taverne royale, Joseph Niels, fit d’une pierre deux coups : non seulement il standardisa la recette-type, mais il la fit préparer en cuisine, ce qui permit aux serveurs de se consacrer entièrement à leur tâche principale, le service.
Pourquoi “américain” ? Personne ne le sait et les rumeurs vont bon train. La plus vraisemblable est un clin d’œil teinté de marketing à l’autre nom du steak tartare, plus connu sous le nom de steak à l’américaine au début du XXe siècle. Toujours est-il que le succès fut immédiat et qu’il fait encore les beaux jours du restaurant Au Vieux Saint Martin, ouvert en 1968 par Albert Niels, le fils de Joseph.
En 1968, Albert Niels (1917-1978) achète le fonds de commerce et l’immeuble du Café de la Justice… © Au Vieux Saint-Martin
Le plat est devenu un incontournable de la carte du restaurant de la place du Sablon qui célèbre son centenaire cette année. « C’est la madeleine de Proust de la plupart des Belges », s’enorgueillit Albert-Jean Niels, petit-fils de Joseph, qui gère l’établissement avec son fils Frédéric. Il faut se rendre à l’évidence : lors de notre visite, un couple d’expatriés belges de passage au pays déguste un filet américain « dont la recette originale n’a pas changé d’un iota. »
© Au Vieux Saint-Martin
© Au Vieux Saint-Martin
On n’en connaîtra pas les proportions, mais la recette comprend de la grosse-cuisse ou de la tâche noire hachée, de la mayonnaise pimpée au piccalilli, des jaunes d’œuf, du sel, du poivre, de la sauce Worcestershire, des oignons hachés, du persil et des câpres. Pas d’ail ni de jus de citron ni d’anchois. Il est goûté chaque jour avant le service. Tout au plus saura-t-on que le chef utilise 30kg de viande hachée chaque jour pour le préparer.
Photo de couverture : © Au Vieux Saint-Martin
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