Martin Boonen
16 May 2025
Depuis 2001, il brille dans le ciel de Lillois (Braine-l’Alleud) une étoile Michelin. C’est celle de Maison Marit, obtenue cette année-là par Jacques Marit et son fils Dimitri. Depuis, l’astre pneumatique n’a jamais cessé de consacrer les mérites du père et du fils et de souligner leurs efforts pour défendre la grande cuisine franco-belge, classique et bourgeoise, dans ce qu’elle a de plus opulent, et finalement… de meilleur ! On ne s’attable pas chez Maison Marit pour trouver le dernier frisson culinaire à la mode, au contraire. On y vient pour redécouvrir les plaisirs d’une cuisine qui défie le temps et qui n’a pas oublié la recette d’un excellent moment à table : les meilleurs produits, travaillés avec des techniques maîtrisées (cuisson, sauce, assaisonnements…), pour offrir des goûts simples, immédiatement identifiables mais intenses. Et oui, la grande cuisine, c’est parfois bête comme chou. Désormais seul à diriger la brigade de la maison qui porte son nom, le chef Dimitri Marit s’évertue, parfois à contre-courant, à braver les tendances du moment pour poursuivre la tradition familiale.
Le chef Dimitri Marit © DR/MM
On y vient pour redécouvrir les plaisirs d’une cuisine qui défie le temps et qui n’a pas oublié la recette d’un excellent moment à table : les meilleurs produits, travaillés avec des techniques maîtrisées (cuisson, sauce, assaisonnements…), pour offrir des goûts simples, immédiatement identifiables mais intenses. Et oui, la grande cuisine, c’est parfois bête comme chou. Désormais seul à diriger la brigade de la maison qui porte son nom, le chef Dimitri Marit s’évertue, parfois à contre-courant, à braver les tendances du moment pour poursuivre la tradition familiale.
Maison Marit est installé en pleine campagne dans une maison bourgeoise malheureusement située un peu proche de la nationale qui la dessert. Cette proximité peut engendrer, en fonction de la nature du vent, quelques nuisances alors que l’on profite du très joli jardin du restaurant en début de soirée. Sur la terrasse, l’on déguste, avec les derniers rayons du soleil, une flûte de champagne de chez Caillez-Lemaire, à Damery (dans la Marne, ce qui explique la dominante de pinot meunier dans l’assemblage de cette cuvée spécialement produite pour le restaurant, et lui conférant une rondeur très gourmande), servie avec trois amuses-bouches : “crevettes grises épluchées main, avocat et cake au citron”, “boulgour d’anchois de Cantabrico et Chianina, coulis de betterave rouge” et “raviole de confit de joue de cochon au parmesan”. Cette dernière se montrant particulièrement canaille.
© DR/MM
On rentre dans la lumineuse salle pour dîner. Le menu s’ouvre, en entrée, sur un joli morceau de lard confit 24 heures, surmonté d’un œuf parfaitement poché et emprisonné dans un spectaculaire nid de feuille de brique et accompagné de jets de houblon (les derniers de la saison) et d’une onctueuse sauce dijonnaise. S’il s’agit d’une façon extrêmement classique de préparer et d’accompagner les jets de houblon, il faut saluer le choix du chef d’en mettre à sa carte. C’est devenu si rare, alors que la saison pour ce produit de choix (et de luxe) est déjà si courte. Tout fond en bouche dans cette assiette : le lard, l’œuf, les jets de houblon… C’est une ôde à la douceur et au velours. Heureusement, les feuilles de briques viennent apporter du croquant, et l’acidité de la dijonnaise vient réveiller un plat qui, sans elle, pourrait être un peu lascif. Quel plaisir tout de même. Cependant, a notre sens, ce plat, aussi précisément réalisé et gourmand soit-il, souffre d’un défaut malgré tout rédhibitoire : sa taille. Trop petite ? Non, au contraire : trop généreuse. Placé en tête de menu, il nous est apparu portionné comme un plat et non comme une entrée. Opulent, il n’est pas impossible qu’il ait pesé sur la suite de la dégustation (qui propose jusqu’à cinq services tout de même).
© DR/MM
L’autre côté de la table s’est laissé tenté, au même moment, par l’un des plats signatures de la maison (que l’on doit à Jacques Marit, le père de Dimitri, l’actuel chef du restaurant) : “langoustines, amandes, vieux reggiano, citron confit, pedro ximenez”. Le commentaire est à peu près le même que pour le lard confit : remarquablement exécuté et délicieux, mais questionnable sur la proportion.
Le deuxième service est en revanche un petit bijou, un chef-d’œuvre comme l’on en goûte peu et qui laisse un souvenir durable. Il s’agit d’une blanquette de filet pur de veau à la cuisson minute et millimétrée et ris de veau fondants, accompagné de jets de houblon, de végétaux printaniers, croquant juste ce qu’il faut, et – très justement – agrémenté de truffes noires. Ici, tout est parfait. Ne touchez à rien, on sent que l’équilibre est fragile. La recette est simple, mais quel effet quand elle est amenée à ce niveau ! Le bouillon donne, non pas par son goût, mais par son intensité, des sensations qui rapprochent ce plat de certaines spécialités asiatiques et convoquent à table, le fameux umami. Pour une recette si franchouillarde, c’est détonnant. Au contraire de la première entrée, la portion laisse ici quelque peu sur sa faim, créant ainsi un sentiment de délicieuse frustration. Le plaisir est encore relevé par le parfait accord avec le vin : la cuvée Montmajou (grenache et marsanne) du domaine biodynamique des Éminades, à St-Chinian. Petite merveille de délicatesse qui souligne la finesse du plat sans se laisser écraser par la puissance des goûts.
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L’excitation baisse malheureusement d’un cran avec le plat principal : “croustillant de pintade à la rhubarbe et cannelloni céleri-risotti-burrata et fondant de foie gras”. Dressé en deux entités nettement distinctes : pintade d’un côté, cannelloni de l’autre. Séparément, les deux éléments principaux sont absolument exquis. La pintade est dorée comme il faut, et son association avec l’acidité de la rhubarbe, tranchant avec l’onctuosité de la volaille, est très réussie. Le cannelloni et le risotto, avec le foie gras, sont extrêmement gourmands. Sur ces deux volets, le chef fait également étalage de la justesse de ses assaisonnements. Pourtant, ce soir-là, nous n’avons pas compris le dialogue que Dimitri Marit essayait, comme le suggérait son dressage, d’instaurer entre les deux parties de son plat. Du coup, les efforts, manifestes, du chef tombent un peu à plat. En cuisine, comme ailleurs, il arrive que, malgré tout, la sauce ne prenne pas. Le choix du vin pour accompagner ce plat étrangement bicéphale était lui aussi surprenant. Un côte du Rhône monocépage (la syrah) alors que l’appellation qui s’est fait une réputation de l’assemblage des 21 cépages autorisés dans son aire géographique. Seul le Nord des Côtes du Rhône permet d’ailleurs ne n’utiliser que la syrah. Il s’agissait du millésime 2023 de la cuvée “Le temps est venu”, servie en magnum, de chez Stéphane Ogier. On y retrouvait une belle chaleur épicée en bouche, mais également des accents prononcés de fruits rouges pas trop mûrs et donc assez vif. Une belle surprise.
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Vient enfin le dessert. Le spectaculaire dressage de la dame blanche à la vanille de Tahiti révèle une préparation bien plus académique que sa presentation : réconfortante et réussie. La pavlova, de son côté, crémeux et chutney mangue-passion, glace pïna-colada, fait, elle, preuve d’un très intéressant équilibre sucrosité-acidité. Elle apporte une jolie fraîcheur en bouche, pas inutile en fin de service.
La dame blanche du chef Marit © DR/MM
Alors que nous faisions tourner notre cuillère dans la tasse de tisane qui venait clôre notre passage chez Maison Marit, nous nous repassons mentalement le film de la soirée. Dimitri Marit vient alors faire à ses convives le plaisir d’un petit passage entre les tables. Il se présente aux primo arrivants, passe un peu de temps avec les habitués… Son sourire et sa bonne humeur viennent immédiatement sortir la salle de la torpeur de fin de soirée dans laquelle elle s’était progressivement installée. En discutant un peu du service avec son chef d’orchestre, nous comprenons un peu mieux ce que nous avons eu le plaisir de déguster ce soir.
© DR/MM
L’opulence des préparations, ce n’est pas de l’esbroufe ou la volonté de trop en faire : c’est l’expression simple d’une vraie générosité. La cuisine, pour le chef Marit, avant d’être intellectuelle, pointue (bref, chichiteuse), est là pour donner du plaisir plein et immédiat. Et, ne nous y trompons pas, si le mercredi soir de notre visite, Maison Marit affiche complet, c’est parce finalement, ils ne sont plus si nombreux, les établissements à encore défendre, avec ce niveau de qualité, de précision, les couleurs de la grande cuisine classique et bourgeoise de nos terroirs. Rien que pour cela, pour redécouvrir, loin des diktats des modes culinaires, les plaisirs délicats de cette cuisine de tradition, il faut aller chez Maison Marit.
Restaurant
Maison Marit
Adresse
Chaussée de Nivelles, 336
1420 Braine-l’Alleud
Réservations
Sur internet
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