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Rédaction

05 April 2016

La jeune danoise ponctue son quotidien de tentatives aussi improbables qu'inattendues, enfermant un morceau de pomme ou un champignon dans une cloche nouvellement soufflée. Le verre, tiraillé par de chimiques réactions, tremble, tressaille puis éclate. Jamais personne n'y avait pensé. Rien de gratuit mais une curiosité de tous les instants motive Maria Bang Espersen qui s'ingénie à innover, créer, imaginer. Elle plonge le verre dans l'eau glacée ou l'imprègne des courbes ondoyantes du courant. Elle se plait à l'enrouler, l'étirer, le tourner en torsades translucides d'une beauté saisissante ou le soumet à des chocs thermiques fulgurants qui le brisent cruellement. Essayiste talentueuse, artiste expérimentale, la jeune femme a de nombreuses cordes à son arc et s'affirme comme l'une des artistes les plus inventives de sa génération. Elle répond à quelques questions pour Eventail.be.

Eventail.be - Comment en êtes-vous venue à vous intéresser au verre ?

Maria Bang Espersen - Quand j'étais plus jeune, j'allais souvent chez mes grands-parents, dans le Nord du Danemark, et invariablement, nous visitions l'atelier du maître-verrier. J'étais simplement fascinée. Toutefois, en grandissant, jamais je n'avais espéré pouvoir me consacrer à cette discipline et, pour cette raison, j'ai entamé des études d'histoire de l'art à l'université. Très vite j'ai réalisé qu'écrire et lire toute la journée ne correspondaient pas à ce que je voulais faire réellement. J'avais besoin d'action et j'ai réalisé que la seule chose dont j'avais vraiment envie était de souffler du verre. Et voilà comment tout a commencé.

- Très tôt dans votre carrière, vous avez expérimenté les propriétés du verre d'une façon vraiment nouvelle. Quelle a été votre motivation ?

- Au début, le procédé en lui-même et le résultat final ont motivé mon choix de souffler le verre. Très vite pourtant, je me suis davantage préoccupée de la technique et du processus. Le résultat final est devenu quelque chose de secondaire. Mon travail fut dès lors dicté par le choix des techniques. Quelle technique allais-je donc expérimenter ? J'étais presque obsédée et je voulais juste souffler du verre tout le temps. J'étais déçue de ne pouvoir travailler que de 8 à 15h, cinq jours par semaine. C'est l'époque où j'ai étudié durant trois ans à l'école Kosta du verre en Suède. Cela a changé quelque peu quand je suis arrivée à Bornholm car j'ai pu surmonter cette espèce d'obsession de façon assez naturelle. Je me suis rendue compte que la technique ne pouvait être la seule motivation de mon travail, je devais lui trouver une autre signification et les professeurs ont su me guider dans ce cheminement. Je me suis alors tournée vers l'étude des propriétés du verre. J'ai lu le livre de David Bohm, On Creativity, disant qu'il n'y a rien de réellement créatif si vous appliquez des principes déjà existants. La créativité pure nait de nulle part. Je me suis alors demandée ce qui arriverait si j'essayais d'appliquer ça au verre, d'aller à la découverte du verre plutôt que de m'acharner sur lui. Je suis devenue une observatrice et j'ai commencé à expérimenter quantité de choses juste pour voir ce qui allait se passer. Je ne voulais pas me limiter aux approches traditionnelles du verre, mais au contraire parvenir à en connaître un aspect tout différent et les choses se sont juste produites, des choses que je n'aurai même pas pu imaginer en rêve ! Très souvent, nous nous contentons de suivre les traditions et notre esprit demeure conditionné. Il faut toujours aller plus loin.

- Vous avez pu travailler aux États-Unis et dans bien d'autres pays. Ces expériences se sont-elles avérées enrichissantes ?

- J'ai eu beaucoup de chance de rencontrer des artistes extraordinaires. Je ne pense pas que j'aurais évolué de la sorte autrement. Jocelyn Prince fut sans doute ma plus grande source d'inspiration mais j'admire beaucoup d'autres artistes tels que Rui Sasaki, Matthew Szosz, Æsa Björk, Max Syron, pour ne citer qu'eux.

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Pièce issue des Cracked Series... ou comme tirer des atoûts esthétiques de cassures © Droits réservés

- Pourriez-vous nous expliquer les Cracked Series et les Soft Series ?

- Pour la première série, j'ai voulu travailler sur mon désir d'être parfaite et ma peur de commettre des erreurs. J'ai examiné le verre en pensant comment on pouvait transformer une erreur en un effet positif. Je l'ai donc exposé à des écarts extrêmes de température qui ont provoqué des fêlures, habituellement considérées comme des défauts. J'ai simplement voulu utiliser ces cassures comme des atoûts esthétiques, les mettant en évidence plutôt qu'en les cachant. Pour la seconde, poétiquement et esthétiquement, elle raconte l'histoire du verre: sa capacité à être opaque et clair, doux et dur en même temps. Le verre en fusion est tellement facile à modeler. Je voulais capturer ce moment mais dans sa phase froide. Les oeuvres ainsi créées reflètent mes propres obsessions de la matière.

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"Je souhaitais transformer le vase traditionnel et en faire quelque chose de nouveau, d'inédit" nous explique Maria © Droits réservés

- Plus récemment, vous avez également utilisé de l'eau froide pour modeler le verre en fusion. Pouvez-vous nous expliquer cette démarche ?

- A moment traduit ma volonté de capturer un espace temps dans un objet physique, quelque chose que nous considérons d'ordinaire comme impossible.

- Vous avez aussi voulu incorporer des morceaux de pierre dans vos créations. Est-ce pour créer des vases vivants ?

- Il s'agit de développement et de changement plutôt que de créer un objet "vivant". Je souhaitais transformer le vase traditionnel et en faire quelque chose de nouveau, d'inédit.

Plus d'infos sur www.mariabangespersen.com
 

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