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Rédaction

03 June 2015

© www.creatonit.be

Ma nouvelle machine à laver ronronne doucement. Je me laisse bercée par le lent et rassurant mouvement de l'eau. Je regarde ses voyants lumineux briller dans l'obscurité et ne me lasse pas de regarder le linge tourner harmonieusement, presqu'élégamment. 15 ans de bons et loyaux services.
Près de 3000 machines lancées et autant de linge détaché. Des heures à essorer. Et voilà soudain que ma fidèle amie me lâche sans crier gare. Tambour cassé, sans doute suite au bourrage intempestif de linge, bien au-delà des 7 kilos prévus, et aux peu d'entretiens réalisés en temps et en heure. C'est idiot, ce n'est qu'une machine. Mais c'était la première.

Le temps n'épargne personne, hélas
Les années passent l'écho s'évade
Sur la dune du Pyla

15 ans, et pourtant je m'en souviens comme si c'était hier. Pour marquer le coup ma grand-mère nous avait offert notre première machine. Premier déménagement, premier emménagement. Plus de lessives chez maman, à moi l'indépendance et les joies du repassage ! Quel sentiment de liberté. Quel bonheur de voir un électroménager se mettre à mon service sans broncher. Quelle désillusion après 2 pulls rétrécis et une machine de blanc ressortie rose à cause d'une "toute petite" serviette rouge glissée malencontreusement dans la mauvaise manne. J'avais pourtant la vie devant moi et ne me doutait pas encore à quel point cet engin allait m'être précieux quelques années après, à l'arrivée de mes trois bambins.

Au gré des saisons, des Photomatons
Je m'abandonne à ces lueurs d'autrefois
Au gré des saisons, des décisions
Je m'abandonne

Impossible pourtant de revoir la moindre photo de ce premier cocon, celui où tout a commencé. Le seul souvenir qu'il me reste est celui de cette journée maudite où ma voiture a été fracturée et son contenu intégralement volé. Envolé mon travail de fin d'études, envolées mes heures de musique soigneusement téléchargées, envolées les 3500 photos des 5 années précédentes.

Combien de farces, combien de frasques
Combien de traces, combien de masques
Avons-nous laissé là-bas?

Les 10 années qui ont suivies, je me suis évertuée à collecter précieusement chaque moment important, à les référencer, à les classer, à les archiver, à les sauvegarder. J'ai passé des heures derrière mon objectif à regarder la vie passée, cachée derrière mon petit écran. J'ai passé des après-midis à courir derrière les enfants pour avoir 'une' belle photo d'eux trois souriants et heureux. La peur au ventre. La peur de rater le premier mot, le premier pas, les premières vacances. La peur d'oublier. Je me suis accrochée à ces photos comme à des amulettes chargées d'une mission suprême, celle de me faire revivre à jamais ces précieux moments.

Poser les armes, prendre le large
Trouver le calme dans ce vacarme
Avant que je ne m'y noie

Etrange. Je peine à me rappeler la varicelle de mon cadet mais le souvenir de la livraison de ma première machine à laver reste intacte. Je regarde cette vidéo, ne me rappelle plus l'avoir tournée, mais me rappelle parfaitement le sentiment de fierté qui m'habitait à la vue de ces trois petits êtres si parfaits gambadants sur le chemin du halage. Il semblerait qu'en voulant m'en souvenir à tout prix, j'ai oublié de vivre l'instant présent, de le goûter, de le savourer, de m'en imprégner. J'ai raté des occasions. En voulant les immortaliser, je suis passée à côté.

Quand les souvenirs s'emmêlent
Les larmes me viennent
Et le chant des Sirènes me replonge en hiver
Oh mélancolie cruelle
Harmonie fluette
Euphorie solitaire

Son premier baiser volé, leurs premiers cris, ses yeux ancrés dans les miens, sa peau contre la mienne. Le goût des fraises cueillies dans les champs, l'odeur de la Meuse, la douceur de sa joue. Les refrains de mes 15 ans chantés dans le bain, sur les chemins de campagne, en pleine nuit, grisée par les premières sorties autorisées. Le vent sur mon visage, les jambes qui pédalent. Le coup de foudre, les coups de coeurs, le coeur en miettes. Je n'ai aucune photo, aucune vidéo de ces moments. Je m'en souviens sans l'aide d'aucun support. Ils sont gravés en moi, à jamais. Ils m'appartiennent. Ils sont là, bien vivants, colorés, bruyants presque palpables. Je respire, je soupire, je me détends. Les souvenirs sont là. Les autres à venir. Avenir.

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