Martin Boonen
23 August 2024
Ekwip, la plateforme de vente en ligne dédiée aux articles de sport, est née d’un paradoxe. En effet, alors que 800 000 000 d’euros de matériel sportif inutilisé encombrent les placards, greniers ou caves des Belges et que, en France par exemple, 100 000 tonnes de matériel sportif invendu sont détruits chaque année, Nicolas Amiel et Arnaud de Chevigny, tout deux sportifs du dimanche et équipiers au Brussels Citizens Rugby Auderghem (ce club de rugby atypique dont nous vous parlions ici), peinent à s’équiper correctement sans se ruiner. “C’est en partageant cette frustration commune et en essayant de comprendre d’où elle venait que l’idée de proposer aux sportifs et sportives, quel que soit leur niveau, une plateforme de vente en ligne d’articles de sport de qualité nous est venue” explique Nicolas Amiel, l’un des fondateurs d’Ekwip. L’une des façons de rendre le sport plus accessible, c’est de remettre sur le marché, au juste prix, ce matériel inutilisé ou invendu qui ne profite à personne.
Les clubs sportifs constatent que le prix d'un équipement neuf est devenu une barrière à l'entrée de leurs terrains © Crolle Agency
Avant d’imaginer proposer une place de marché en ligne qui rassemblerait un maximum d’acteurs du secteur sportif, les néo-associés observent d’abord la situation actuelle du marché. Ils s’intéressent d’abord aux grandes enseignes généralistes. Si celles-ci disposent de quelques références plus pointues, leur rôle est surtout de proposer à bon prix et au grand nombre une large offre de matériel relativement basique qui n’accompagnera pas le sportif tout au long de son évolution. On y trouve donc surtout des articles voués à être remplacés. Il y a ensuite les enseignes spécialisées qui proposent du meilleur matériel, mais plus cher et dont l’offre est plus morcelée, contraignant les sportifs à parfois pousser plusieurs portes pour trouver leur bonheur. Ces magasins sont confrontés à une certaine proportion d’articles invendus qui représente non seulement un manque à gagner mais coûte aussi en stockage.
Les magasins de sport sont des partenaires pour Ekwip © DR/Shutterstock.com
À côté des propositions de matériel neuf, il existe déjà des solutions de seconde main. Il y a notamment les ventes occasionnelles organisées par les clubs sportifs eux-mêmes pour permettre à leurs membres de trouver du matériel d’occasion de qualité. Les clubs ont compris les premiers que les crises successives que nous traversons depuis des années ont drastiquement réduit le pouvoir d’achat de la population et que le coût de l’équipement constitue désormais une fameuse barrière à l’entrée des terrains de sport. Si ces ventes de clubs sont effectivement très précieuses, elles ont quelques défauts. D’abord, elles sont limitées géographiquement et dans le temps. Ensuite, l’offre n’est pas infinie. “Les clubs, explique Arnaud, sont de plus en plus sensibles à la durabilité et à l’écoresponsabilité de leur impact. Les bénévoles qui les animent cherchent des initiatives pour promouvoir un sport plus responsable sans vraiment en avoir le temps, ni les moyens de le faire.”
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L’autre grande option pour la seconde main est digitale et comprend les plateformes de vente généralistes ou les pages Facebook dédiées par exemple. Mais ni les unes, ni les autres, ne sont vraiment adaptées au matériel sportif et y trouver exactement ce dont un sportif a besoin est une gageure souvent très chronophage. “Aujourd’hui notre constat c’est que les gens ne vendent pas le matériel qu’ils n’utilisent plus parce qu’ils ne savent pas où le faire et n’ont pas le temps de le faire” explique Arnaud. D’autant que le risque d’arnaque n’est pas mince non plus (transaction douteuse, rencontres physiques pas forcément désirées).
À partir de septembre 2023 et pendant neuf mois, Nicolas et Arnaud vont incuber leur idée chez WeAreFounders. Dans l’intervalle, un troisième fondateur rejoint l’aventure : Grégoire de Launoit. Si Nicolas s’occupe de la finance et de l’administration, Arnaud du développement commercial et des relations partenaires, Grégoire s’occupera du développement technique de la plateforme
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L’intérêt de l’approche d’Ekwip est qu’elle ne se pose pas en concurrent des offres existantes, mais qu’elle propose au contraire, de les rassembler. “Nous voulons agréger toutes les offres locales : magasins généralistes et spécialisés, ventes de particuliers en ligne, vente de clubs, pour proposer la plus large offre d‘articles de sport de qualité en seconde main ou d’invendus” explique Nicolas Amiel.
L'équipe d'Ekwip (de gauche à droite) : Nicolas Amiel, Arnaud de Chevigny et Grégoire de Launoit © DR/Ekwip
Pour y arriver, le trio décide de s’adresser en premier lieu aux clubs de sport. “Il s’agit de nos interlocuteurs privilégiés pour toucher les licenciés, précise Arnaud de Chevigny. Notre solution permet à leurs membres d’acheter et de vendre leur matériel toute l’année, et même de trouver du matériel émanant d’autres clubs.” Ekwip centralise en effet une offre de seconde main qui, jusqu’à présent, ne l’était pas encore.
La possibilité d’offrir plusieurs vies à leur matériel doit inciter les clubs à entretenir des partenariats avec des équipementiers de qualité, peut être plus cher, mais plus durable. “Nous croyons vraiment qu’il est préférable d’acheter à la place d’un matériel d’entrée de gamme neuf, du bon matériel d’occasion” déclare Arnaud. En effet, Ekwip, avec cet état d’esprit peut contribuer à faire naître un cycle vertueux de réutilisation. Ce modèle permet aux familles de réduire significativement leurs dépenses tout en participant à une consommation plus responsable.
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Les clubs et leurs licenciés y trouvent donc un intérêt évident. Mais ce ne sont pas les seuls. Les magasins spécialisés qui se retrouvent régulièrement avec sur les bras une série d’articles invendus (entre le renouvellement des gammes de plus en plus régulier, les nouvelles tendances qui s’enchaînent à un rythme effréné… le matériel précommandé parfois en grande quantité s’accumule rapidement) qu’Ekwip leur propose de vendre à bon prix en ligne. “La possibilité de retirer son matériel directement à la boutique offrant au marchand du passage supplémentaire dans son magasin et lui offre la possibilité de proposer une ristourne sur un autre article en relation avec le premier qu’il n’aurait pas vendu sans cette première vente en ligne” poursuit Arnaud. Et Nicolas de conclure : “Nous offrons à ces spécialistes une présence commerciale en ligne qu’ils n’ont pas toujours le temps, ni l’expérience de développer. Nous sommes beaucoup plus qu’une place de marché, nous voulons aller plus loin.”
Les cofondateurs ne s’y trompent pas : Ekwip ne sera un succès que si la plateforme est facile à utiliser. Celle-ci est conçue pour pouvoir mettre un article en vente en 90 secondes seulement. Une photos, les infos pertinentes pour le sport concerné, un mode de livraison, et le tour est joué. La plateforme transforme les données renseignées en fiche produit qui génère des filtres et permet à l’utilisateur de trier les milliers de résultats pour n’avoir le choix que parmi des articles qui correspondent complètement à ses besoins. C’est simple, clair, intuitif et rapide.
© DR/Ekwip
Ekwip tient particulièrement à ce que le matériel disponible sur la plateforme, qu’il soit neuf destocké ou de seconde main, répondent à des standards de qualité élevé. C’est une promesse que la jeune startup fait à ses utilisateurs. Pour garantir cette qualité, Ekwip a été jusqu’à bannir certains types d’articles, notamment les équipements de protection. “Il est trop difficile de juger leur état et leur capacité à toujours assurer 100% de leur mission” détaille Arnaud. Exit donc les cordes d’escalade de seconde main, ou les casques. Mais les articles vieillissant mal comme les baskets sont scrutés par l’équipe avec une attention particulière. “Aujourd’hui, nous refusons 30% des annonces proposées parce qu’elles ne répondent pas à nos standards de qualité” précise Arnaud de Chevigny. Jusqu’à présent, tous les articles vendus sur Ekwip sont vérifiés sur photo par l’équipe manuellement pour ne laisser place à aucun item douteux, mais Nicolas et Arnaud assurent que dans un futur proche, des outils d’intelligence artificielle leur permettront d’automatiser et d’instantaniser la mise en vente d’un article sur Ekwip.
Vendez votre vélo sur Ekwip en 90 secondes avec votre smartphone © DR/Shutterstock.com
Jusqu’à présent, Ekwip se concentre sur cinq sports : le tennis, le padel, le golf, le hockey et le vélo. “Ce sont des sports dont le matériel est onéreux et qui cherchent à se démocratiser, explique Nicolas. Le vélo, lui, représente une opportunité de marché parce qu’il y a énormément d’invendus.” Évidemment, d’autres sports viendront bientôt grossir l’offre déjà présente sur la plateforme.
Alors que la plateforme n’est active que depuis cet été, les fondateurs pensent déjà à la suite “Même si chaque marché à ses particularités, il sera facile d’ouvrir la plateforme à d’autres pays et de toucher des dizaines de milliers de clubs sportifs, et des millions de sportifs en Europe” annonce Nicolas. “Nous préparons une levée des fonds. Nous avons l’objectif à terme de rendre possible la vente de 250 000 articles sportifs par an en Europe… mais ça pourrait être beaucoup plus.” pousse même Arnaud. Effectivement, le marché potentiel d’Ekwip semble très large.
En attendant cette envolée européenne, la perspective de la prochaine rentrée et avec elle du début de nouvelles saisons sportives est peut être l’occasion de vider ses placards de ses raquettes de tennis, stick de hockey, et autres clubs de golf qui prennent la poussière dans les placards ou de se rééquiper complètement chic et pas cher !
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