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Rédaction

13 February 2015

© Ice Watch

L’Eventail - La presse a très vite qualifié le succès d’Ice Watch de « petit miracle wallon ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Jean-Pierre Lutgen - C’est la preuve qu’à partir d’une petite ville comme Bastogne, qui n’a pas d’expérience horlogère, qui n’a pas d’expérience dans la distribution, qui ne vit pas dans le même contexte que Paris, Londres ou Milan, il est encore possible de faire quelque chose à l’international. Si ça peut en inspirer d’autre, on est ravi! 

- Mais le mot miracle est à double tranchant. Il peut aussi signifier que cela semblait impossible. C’est votre sentiment ?

- Je pourrais paraphraser Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Bien souvent on se met beaucoup trop de barrières, sur plein de possibilités. C’est ce qu’on a essayé d’éviter. Alors, j’aime bien le mot miracle, mais je ne me reconnais pas dedans, ni dans l’histoire d’Ice Watch. Ca voudrait dire que notre succès est arrivé par magie ou par le fait de Dieu, ou même pas hasard. Ce n’est absolument pas le cas. C’est juste la réunion parfaite de toutes les conditions pour réussir. Réunion pour laquelle on a beaucoup bossé.  Parfois, il manque l’un ou l’autre élément pour qu’une très bonne idée rencontre le succès. A ce moment-là, il faut pouvoir les identifier, savoir pourquoi ça ne marche pas, ou pourquoi ça ne marche pas fort.

- Par le passé, vous avez eu des mots très durs envers les politiciens, notamment en province de Luxembourg. La "Wallifornie" s’arrête-t-elle au Brabant Wallon ?

- La plupart des politiques n’ont jamais été entrepreneur, n’ont jamais été dans ce milieu-là, et que donc ils ne savent pas s’imprégner des … (il marque une pause, hésite) … de l’environnement, des conditions nécessaires pour la réussite de l’entreprise. Mais je visais surtout Bastogne dans ce commentaire. D’ailleurs, en Luxembourg, sans parler des politiques, il y a beaucoup de jeunes entrepreneurs avec un état d’esprit certainement digne de celui que l’on peut voir dans le nord du pays: on ne compte pas nos heures, on est dur, on bosse à fond. C’est un peu l’ardeur d’avance ardennaise finalement. 

Sur la droite, on aperçoit le complexe des bureaux Ice Watch à Bastogne © Ice Watch
 

- Vous aviez pris le paris, oser, à contre-courant, de rapatrier la fabrication des montres Ice Watch de la Chine vers la Belgique.

- C’était une idée qui n’a pas abouti, à cause des politiques. Quand le gouvernement wallon décide de taxer les machines outils, ça ne donne pas envie d’investir. Mais on peut investir en Belgique, il y a toujours moyen, mais ça dépend de beaucoup de choses, et de deux en particulier. Premièrement, cela dépend de la volonté de l’entrepreneur de le faire ou non. Mais quand un entrepreneur à envie d’investir, il n’a pas envie tous les jours. Les politiques doivent alors le soutenir et continuer à lui donner envie. Mais ça, ils ne le comprennent pas. La deuxième chose c’est la stabilité des conditions légales. S’il n’y a pas de sécurité et de stabilité fiscale, vous n’êtes pas en confiance. Par définition, il n’y a rien qui pousse quelqu’un à investir, où que ce soit, dans quoi que ce soit. Il faut donc des incitants.  

- On lit souvent que le succès de l’entreprise est lié au risque pris. Vos packagings, et le nom de votre marque ont défrayé la chronique et attiré l’ire de grands groupes. Cela faisait partie d’une stratégie marketing ?

- Vous faites référence à l’amalgame supposé entre Ice Watch et Swatch. La réponse est: absolument pas. On ne nous croit pas, pourtant c’est vrai. Nous, c’est Ice. La nouvelle gamme d’ailleurs porte ce nom. Et puis, le mot « watch » est un nom commun, il n’est pas déposable. Il est utilisable par tout un chacun. Quand je me suis lancé dans cette aventure, je n’étais pas l’expert du droit des marques et de la propriété intellectuelle que je suis devenu en me défendant devant les tribunaux. J’ai fait l’enregistrement du nom « Ice Watch » moi-même, en 2006. Je ne connaissais pas tout le système du dépôt de marque. Je n’avais ni les moyens, ni l’ambition de provoquer qui que ce soit.

La dernière ligne Ice, avec ici la ligne Ice Chamallow © Ice Watch
 

- Mais les procès, surtout dans la posture du Petit Poucet face à la multinationale, c’est bon pour la médiatisation, pour s’attacher la sympathie du public, et donc … bon pour le business ?

- Pas d’accord du tout! Comparativement aux enjeux, on en a très peu parlé. Pratiquement rien n’a été dit sur notre premier procès gagné contre Swatch. J’ai d’ailleurs mon idée sur les raisons de ce silence. Les groupes de presse ont besoin des revenus publicitaires des grands groupes, et donc s’autocensurent. Là-dessus, je suis Charlie. 

- Votre posture est victimisante et presque complotiste, pourtant, lors de votre conférence de presse de la semaine dernière, plus d’une vingtaine de médias (dont L’Eventail) étaient présents.  Alors, le choix d’Axelle Despiegelaere (victime elle aussi d’un bad buzz) pour égérie, ne procède-t-il pas de l’envie de récupérer de la présence médiatique ?

- Non, on a pris Axelle pour sa beauté, son sourire, et son visage. Ensuite, il y avait deux avantages : elle est néérlandophone et peut rassembler les deux parties du pays. Enfin, il y a ce buzz. Mais, finalement, la portée de cette péripétie est restée très belgo-belge. Ice Watch est présent sur bien d’autres marchés que la Belgique, une récupération de ce bad buzz n’a pas de sens.

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