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Corinne Le Brun

22 February 2023

Le petit Aimé, harcelé et racketé, est le souffre-douleur de l’école. Contre toute attente, il vient d’intégrer une bande de copains, lui qui est toujours seul. C’est par sa voix qu’on suit les aventures de La petite bande. Et quelles aventures ! Le groupe des cinq décide de mettre le feu à l’usine qui pollue la rivière du village. Les enfants réussissent à s’infiltrer dans l’usine et font prisonnier le patron (Laurent Capelluto).

Eventail.be – Ils sont quatre garçons et une fille, Cat. Quel est son rôle ?
Pierre Salvadori – Cat (Colombe Schmidt) était l’élément moteur au départ. Elle incarne une force, une détermination et même une dureté. J’aime beaucoup les personnages féminins forts. Colombe (Schmidt) est précisément une jeune fille un peu dure. J’ai ajouté une scène où elle s’excuse pour lui apporter une forme de douceur.

– Tous les enfants sont incarnés par des acteurs inconnus. Comment les avez-vous dirigés ?
C’est génial parce qu’ils ont 12 ans et qu’ils ne sont pas encore adolescents. Il y a encore, chez eux, une confiance, une possibilité d’établir des ponts, un apprentissage. Cela a été passionnant pour moi parce que, très souvent, avec des adultes et des professionnels qui connaissent leur métier, vous les dirigez uniquement sur leur rôle. Alors qu’avec des enfants, il faut leur apprendre aussi ce que c’est le jeu même s’ils ont une petite expérience de cours de théâtre. Cela me plaisait énormément de revenir aux sources du jeu d’acteur : jouer juste n’est pas suffisant, On joue pour soi mais aussi pour le spectateur. Je parlais aux enfants comme à des adultes. Je n’étais pas uniquement dans la vérité du personnage. À partir du moment où vous parlez du rythme à un enfant, vous lui parlez de quelque chose de plus large que le jeu ou le personnage. Vous parlez de l’œuvre. Le rythme c’est l’art, c’est la dissimulation, c’est le décalage, c’est la vérité, plus intéressante que le vraisemblable. Vous pouvez jouer avec un léger décalage. Ces enfants-là adoraient aller au-delà de la scène elle-même et comprendre que celle-ci faisait partie d’un film, d’un projet, d’une idée, qui faisait partie du monde.

– Aimé, le mal-aimé, veut mourir, de solitude. On pense à la mort à l’âge de dix ans ?
Aimé dit « ils ne vont pas m’aider parce qu’ils ne m’aiment pas. » Il a toujours été seul. Je pense que, très tôt, on est confrontés avec la mort, de parents, d’amis, de grands-parents… mais on n’a pas une conscience de sa propre mort. Mais les enfants de notre génération ont la conscience de la disparition possible alors que cela n’existait pas avant. Les enfants de maintenant, dès l’âge de sept, huit ans, savent qu’on vit une époque précaire. Il y a une conscience de quelque chose qui va se terminer, d’une civilisation en danger. Une conscience assez grave cohabite avec une innocence incroyable avec une capacité à jouer et à retourner très vite dans le monde de l’enfance. Ces enfants-là sont plus ambigus que nous l’étions. La solitude est quelque chose de très fort dans l’enfance. Vouloir avoir des amis, vouloir être habillés comme les autres ou, aussi, souffrir d’être énormément seul font partie de l’enfance. On a honte d’être seul. On a peur de ne pas faire partie du groupe, cela peut-être terrorisant. Le monde de l’enfance est dur, cruel. Il est peuplé d’angoisses. Après, il faut se réadapter. Personnellement, j’ai beaucoup changé. J’ai connu des moments où j’ai été très seul…

– Les enfants sont très lucides. Au point d’être des écologistes actifs ?
Au départ, ils ne le savent pas. Ce projet écologique naît pour d’autres raisons. Parce que l’un des membres de la bande est amoureux et jaloux, il crée ce projet d’incendier l’usine. Au départ, c’était plus un film sur l’engagement et la capacité pour des enfants à vivre et à se battre ensemble qu’un film sur l’écologie. Le sujet c’est comment se constitue un groupe, comment l’autre est aussi important que soi-même, comment on se trahit, comment on vote, comment on triche… Après, les enfants sont pris dans une aventure qui les dépasse un peu. Quand on regarde les Goonies ou E.T., peu de choses sont vraisemblables mais, par contre, il y a beaucoup de vérités. Il est peu probable qu’un extra-terrestre vienne s’installer dans votre chambre mais, en revanche, tout ce que cela crée –  le groupe, le combat contre les adultes, la solitude – sont très présents. La manière dont les choses s’enchaînent créent de la fiction.

– Les enfants parlent très peu de leurs malheurs à la maison. Y a t-il une pudeur à dire ce que l’on vit ?
Il y a beaucoup de secrets chez les enfants. On n’avait pas cette propension à parler de tous nos problèmes à nos parents. Ici non plus. Puis, le groupe apparaît comme apaisant, comme un endroit qui adoucit les douleurs, où on se parle. Il y a une intimité, une confiance. Le groupe apparaît aussi comme un divertissement, un amusement. Le collectif est au cœur du film: se rassembler, partager et aussi trahir…

– La petite bande d’enfants est un phénomène universel…
C’est la mutualisation de nos souffrances, de nos joies, de nos peurs et, après, la manière dont on les transcende à travers un projet commun. La petite bande, c’est l’aspirine. Quand on est ensemble, les douleurs disparaissent. Ce n’est pas un film sur l’écologie mais sur le côté apaisant du groupe et, au fond, le collectif et la joie d’être ensemble. Le collectif nous apprend à fonctionner, à nous engager, où l’autre est existentiel. Les frères Dardenne ne parlent que de cela dans leur cinéma. Mon film montre à quel point l’autre est essentiel à notre existence.

– Vous filmez la nature dans ses moindres détails…
Je voulais que ce soit une aventure purement physique et pas virtuelle. Je cherchais un contact physique avec l’eau, la forêt, la cabane… ce que les gosses adorent. Le film est tourné dans la nature, en Corse. Ce sont aussi des souvenirs personnels. Quand on était enfants, les parents nous mettaient dehors et on revenait le soir pour manger. C’était la liberté totale. Dans les villages, les enfants sortent.

– L’acteur belge Laurent Capelluto incarne le patron de l’usine incendiée
Je ne le connaissais pas du tout. Il a compris le projet. J’aime les acteurs qui jouent le film et pas le rôle. Cela aurait été très difficile avec un acteur qui n’ait pas autant de civilité et de courtoisie. Etre assis, ligoté, tabassé par des enfants, pendant deux mois de tournage jusqu’à 40°C, ce n’était pas facile. C’est un rôle ingrat. Il fallait beaucoup de douceur et de gentillesse.

Entrepreneuriat

Informations supplémentaires

Film

La petite bande

Réalisation

Pierre Salvadori

Distribution

Paul Belhoste, Mathys Clodion-Gines, Aymé Medeville, Colombe Schmidt, Laurent Capelluto

Sortie

En salles

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