Agnès Zamboni
30 March 2024
C’est en 2010 qu’elle présente, dans le cadre de sa collection Crystallization, sa première robe réalisée en impression 3D (par la société belge Materialise). Iris van Herpen a fait ses classes auprès du couturier Alexander McQueen et de l’artiste et créatrice Claudy Jongstra, avant de fonder, en 2007, sa maison de couture amstellodamoise. La singularité de son travail s’exprime à travers le mariage de l’artisanat avec des pratiques innovantes et expérimentales. Elle ose ainsi combiner la découpe laser au Suminagashi, technique japonaise de dessins marbrés à l’encre au plissé ancien et à la sculpture aimantée. Danseuse classique et contemporaine, Iris crée des vêtements visionnaires, fluides et sensuels, qui transcendent le corps. Elle favorise aussi, depuis ces dernières années, des méthodes de fabrication éco-responsables et éco-durables, comme en témoignent certaines réalisations faites à partir de plastique recyclé ou de fèves de cacao. Dans cette exposition, ses créations entrent en résonance avec des pièces des designers Ferruccio Laviani et Tomáš Libertíny, des oeuvres d’art contemporain de Wim Delvoye ou Philip Beesley et des éléments organiques comme des coraux et des fossiles.
Robe Symbiotic, collection Shift Souls, 2019, organza de soie, crêpe, PetG © Filippo Fior
Le travail d’Iris van Herpen est, ici, exploré à travers neuf thématiques faisant fusionner mode, art contemporain, design et sciences, avec la collaboration d’architectes, d’artistes contemporains et de designers. Liquide, solide ou gazeuse, l’eau est un élément fondateur de ses créations. Dès le début de l’exposition, on plonge dans cet univers aquatique, de la minuscule goutte d’eau à l’immensité de l’océan. Écume, bulle, vague, onde, éclaboussure ou brume… Les robes en plexiglas thermoformé ou en verre soufflé traduisent tous les états de cette matière. On voyage ensuite dans le monde sensoriel et extrasensoriel, avec des créations expérimentant la légèreté de l’air, l’apesanteur, la cristallisation, la métamorphose, l’hybridation, l’hypnose, l’âme, la synesthésie, le rêve lucide… Le thème du squelette s’ouvre sur la robe Skeleton, faisant écho à une oeuvre hybride de l’artiste japonais Heishiro Ishino. Il se poursuit avec une pièce architecturale inspirée par une cathédrale gothique, dialoguant en miroir avec le Gothic Cabinet de Ferruccio Laviani. Son approche des forces du vivant a entraîné Iris van Herpen à s’intéresser aux cabinets de curiosités et aux galeries d’anatomie d’où elle a notamment extrait les représentations des muscles, tissus et réseaux sanguins qu’elle projette en pleine lumière sur ses robes. Elle a aussi travaillé avec des spécialistes de sports extrêmes pour éprouver les limites du corps et de la matière, à travers des performances.
Luigi & Iango pour Iris van Herpen, robe Skeleton, en collaboration avec Isaie Bloch, collection Capriole, 2020. Collection privée Iris van Herpen © Dominique Maitre
En collaboration avec Philip Beesley, robe et cape Hypnosis, collection Hypnosis, 2019, satin duchesse, mylar, tulle © Dominique Maitre
Son observation des édifices imaginés par Zaha Hadid ou Calatrava, le concepteur de la gare de Liège-Guillemins et de la nouvelle gare de Mons, opère une fusion entre design organique et prospectif. La centaine de pièces sélectionnées sont bien plus que des robes : ce sont des “habitats” pour le corps, des sculptures réinterprétant la flore et la faune, des cocons enveloppants, transparents ou colorés, des plumages aériens et éthérés, des sculptures enchantées et des micro-architectures en mouvement. Les matières font référence aux revêtements intelligents et seconde peau issus du monde du vivant comme des nouvelles technologies. Taillées au laser ou connectées, elles jouent avec l’épiderme, flottent dans l’espace, réveillent des sensations, initient des danses textiles dès que le corps bouge. Tissages électromagnétiques, cuirs transparents moulés à la main en 3d, les matériaux construisent des formes souvent inspirées par des blooms (éclosions) de plancton, explosions de vie qui se produisent régulièrement dans les milieux aquatiques. Quant à la gamme chromatique, elle se révèle sans limites, vrai flot de nuances vibrantes et nébuleuses ou de palpitants pigments.
Photo de couverture : Carla van de Puttelaar pour Iris van Herpen, diverses collections, 2020 © Carla van de Puttelaar
Exposition
Iris van Herpen. Sculpting the Senses
Dates
Du 29/11/2023 au 28/04/2024
Adresse
Musée des Arts décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris
Site
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