Après des comédies de Guitry montées le mois dernier aux Galeries (Quadrille) et en ce moment à la Comédie de Bruxelles (Toâ), c’est maintenant à la Comédie Royale Volter que Barillet et Grédy se rappellent au bon souvenir des spectateurs belges. Leur duo compte indéniablement au nombre des auteurs français à succès de la seconde partie du XXe siècle. On leur doit des comédies comme Quarante Carats, Folle Amanda, Le Don d’Adèle ou encore Potiche, mais Fleur de Cactus fut sans doute leur plus retentissante réussite.

La pièce fut créée en septembre 1964 avec Jean Poiret, Sophie Desmarets, Elisabeth Wiener et Jean Carmet, dans une mise en scène de Jacques Charon. Ce fut d’emblée un énorme succès. Nous nageons ici en plein vaudeville, avec une avalanche de mensonges, malentendus et quiproquos. Nous sommes bien dans la veine d’un Feydeau, mais dans le jus des années 1960. Tentons la tâche ardue d’en résumer le canevas : Stéphane est depuis dix ans l’infirmière-assistante du Docteur Desforges, un chirurgien-dentiste à la vie amoureuse bien remplie. Pour éviter de se faire mettre le grappin dessus, le dentiste volage fait croire à ses conquêtes qu’il est marié et père de trois enfants. Le subterfuge fonctionne jusqu’à ce qu’il tombe réellement amoureux d’Antonia, beaucoup plus jeune que lui, au point de vouloir l’épouser. Empêtré dans ses mensonges, il est obligé de “divorcer” … Mais au préalable, la jeune femme veut absolument rencontrer la future “ex-femme” …et les “enfants”… Ce rôle d’épouse, le dentiste va demander à son assistante de l’interpréter… Au fil des péripéties, celle-ci va aussi devenir l’objet des émois d’Igor, un jeune homme de 23 ans, ami d’Antonia … et des espérances d’un patient du dentiste, le colonel à la retraite Monsieur Cochet… L’inconstant praticien demandera aussi à son ami Norbert de jouer un rôle d’amant … Nous sommes donc bien dans les imbroglios et l’entremêlement des couples dignes des vaudevilles les plus classiques.

La vedette de la soirée est sans conteste Stéphanie Moriau, l’assistante du dentiste, très drôle et très expressive dans les différents registres que requièrent les phases d’évolution de son personnage (de la vieille fille austère et coincée à la femme extrêmement séduisante et libérée). Michel de Warzée, avec son sens affuté de l’effet comique, est un dentiste parfaitement affolé, dépassé puis séduit. Caroline Lambert est avec talent une Antonia primesautière, sémillante et déconcertante. Jonas Claessens joue le jeune homme à la fois blasé et émoustillé. Xavier Percy est Norbert, l’ami profiteur et victime du dentiste. Yves Claessens interprète avec une retenue cocasse et un second degré très british Monsieur Cochet, le colonel retraité et ancien résistant. Enfin, deux personnages qui ne sont pas vraiment parties prenantes à l’intrigue : Mme Durand-Benéchol, une grande bourgeoise parisienne, toujours en retard, à laquelle Catherine Claeys prête sa distinction et Le Printemps de Botticelli, spectaculaire et imposante beauté corse, incarnée par Pauline Bouquieaux.

Le décor imaginé par la scénographe Renata Gorka est d’autant plus ingénieux qu’il posait un problème. Pas facile en effet de figurer tout à la fois sur un même plateau la salle d’attente d’un dentiste, son cabinet, l’appartement de sa maitresse, son lieu de travail (peut-être un peu bas de plafond ?) et l’intérieur d’une boite de nuit. Victor Scheffer assure une mise en scène efficace tandis que Bruno Smit s’occupe de la régie et des lumières.

Un réjouissant spectacle de fin d’année à voir à la Comédie Royale Claude Volter jusqu’au 31 décembre 2022.