Le château de Versailles présente la première rétrospective consacrée à ce fils de tailleur devenu peintre des rois qui fut le plus éblouissant ambassadeur du Grand Siècle.
"Rigaud, peintre des Grands, des guerriers et des rois, / Toujours de la nature imitateur fidèle, / Joint au plus beau fini, la touche la plus belle." Le compliment est de Claude-François Desportes (1695-1774), peintre et historien d'art, fils et élève du célèbre peintre animalier Alexandre-François Desportes, qui était lui-même contemporain de Hyacinthe Rigaud. Si le tour peut paraître flatteur, il dit vrai : la perfection de l'imitation et de la touche, et la beauté du fini des portraits de l'artiste, qui fut pourtant prolifique (il a peint plus de 1500 tableaux) sont époustouflants.
"La fascination presque universelle qu'exerce encore aujourd'hui le Roi-Soleil" ne serait pas la même sans le grand portrait de Louis XIV en costume de sacre, "le coup de maître" du peintre catalan, va jusqu'à affirmer Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, co-commissaire de l'exposition, dans la préface du catalogue : "Un chef-d'œuvre absolu [...] un extraordinaire morceau de peinture. Chaque petite surface colorée est jubilatoire. Les talonnettes rouges ont le même pouvoir d'émotion que le "petit pan de mur jaune" dans la Vue de Delft de Vermeer". "Rien chez Le Brun ou chez Mignard n'approche cette incroyable présence, somptueuse et sympathique, profondément humaine et parfaitement extravagante."
Force est de constater que cette "incroyable présence", cette vérité, cette profonde humanité transparaissant par-delà la somptuosité et l'extravagante virtuosité de la touche, rejaillit dans tous les portraits de Rigaud, de ceux de Cour aux autoportraits. Ainsi, celui du Jeune serviteur noir (vers 1710-1720) du musée des Beaux-Arts de Dunkerque, où le chatoiement des étoffes et la brillance des coloris donne à l'esclave une prestance princière.
S'adjoignant les procédés plastiques d'autres disciplines, telle la sculpture, dont il aime à reprendre les effets, "travaillant au pinceau comme on le ferait au ciseau les reliefs et les anfractuosités de ses drapés" (1), Rigaud, élevé à la dignité de chevalier de l'ordre de Saint-Michel (la plus haute décoration pour un artiste en France), avant d'être élu recteur de l'Académie royale de peinture et de sculpture, contribuera largement au changement de statut du portrait dans la hiérarchie des genres picturaux.
Portraits de Cour (membres de la famille royale française mais aussi princes de toute l'Europe), portraits intimes, portraits en négligé, portraits d'artistes ou de grands financiers, portraits historiés, allégoriques ou mythologiques, mais aussi figures de fantaisie... S'étirant sur un demi-siècle, la galerie de physionomies qu'il nous est donné à voir révèle tout le brio mais aussi toute la subtilité de ce Saint-Simon de la peinture.
(1) Ariane James-Sarazin, commissaire scientifique de l'exposition, dans le catalogue.
Hyacinthe Rigaud
ou le portrait Soleil
Château de Versailles
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