• HLCÉ

Le pays des criques

BaladeNatureOiseaux

Christophe Vachaudez

10 August 2025

À quelques encablures de Knokke, le pays des criques déploie ses innombrables chenaux, vestiges d’une époque où la mer s’aventurait ici, pour le meilleur et pour le pire. De nos jours, les 265 kilomètres de sentiers et de chemins agricoles font le bonheur des randonneurs.

Depuis la côte, il suffit de traverser la frontière, de contourner Aardenburg la coquette et de revenir en Belgique à Sint-Jan-in-Eremo afin de profiter pleinement de cette région apaisante et plutôt méconnue. Ici, la terre et l’eau affleurent, formant une curieuse mosaïque dépourvue de relief, seulement troublée par le clapotis de l’eau, le bruissement des feuilles et le chant des oiseaux. La quiétude règne en maître et si l’on sait que “eremo” veut dire désert, on aura vite compris… Il faut remonter au Moyen Âge pour expliquer la présence de ces criques qui résultent d’inondations successives ou d’avancées agressives de la mer que la vase n’a jamais comblées. N’oublions point les brèches volontaires qui causèrent la rupture des digues et retardèrent l’implacable ennemi. Très tôt, les terres fertiles furent concédées aux fermiers par les comtes de Flandre, mais la vie était rude. Ce n’est pas pour rien que l’on accola “-la-Mort” au village de Sint-Margriete, tant l’eau eut des effets dévastateurs ! D’ailleurs, l’église dut être reconstruite par quatre fois. Quant aux antiques localités de Terpiete ou de Koudekerke, elles ont tout simplement disparu de la carte !

Ce pays de prés salés et de slikkes (vasières) qui doit supporter les assauts de l’onde marine commencera enfin à être domestiqué au début du XVIe siècle, quand les habitants mettent en place des digues et gagnent peu à peu du terrain sur la mer, ce qui explique ces polders géométriques qui semblent avoir été tracés au cordeau. Seules les courbes des criques perturbent joyeusement ce petit monde cartésien, créant un paysage unique érigé en réserve naturelle. En effet, oiseaux et insectes y prospèrent, qu’ils soient de passage ou résidents permanents. En saison, il n’est pas rare de croiser des ornithologues, jumelles à la main, pour apercevoir les imposants cygnes de Bewick dont l’envergure peut atteindre jusqu’à 2,5 mètres. Émergeant de temps à autre des roselières frangeant les criques, le busard des roseaux a trouvé un lieu idéal pour nicher, l’un des rares en Belgique. Quant aux bécassines des marais, aux pluviers dorés et aux chevaliers arlequin, aboyeur, cul-blanc et guignette, ils pataugent avec délectation dans la vase, terrain de jeux des limicoles.

Les nombreuses criques forment le royaume du cygne de Berwick. © Barry & Carole Bowden

Parfait ventriloque, le gorgebleue peut imiter le chant de près de trente-cinq autres espèces. © 2017 Simutan, shutterstock.com

Grèbes, loriots jaunes et gorgebleues

Plongeant à la moindre menace, les grèbes huppés et castagneux fendent l’eau, à l’image des tadornes de Belon, des fuligules et des canards chipeaux et souchets, bien moins farouches. Se cachant dans les buissons, le gorgebleue envoie quelques notes flûtées, mais le coquin parvient à imiter près de trente-cinq autres espèces, de quoi déconcerter plus d’une oreille exercée. Moins roués, la grive draine, le loriot jaune et la tourterelle rentrée d’Afrique s’en donnent à cœur joie, animant les frondaisons des saules têtards, ancrés et massifs, ou celles des fiers peupliers, alignés le long du canal Léopold. Des grappes de moutons broutent entre les troncs, tandis que les oies cendrées surveillent leurs petits, mets de choix pour les renards.

Côté végétation, des bouquets de pruneliers, d’églantiers et de cornouillers sanguins poussent en solitaire ou forment des haies discrètes. En bordure des champs, les ombelles jaunes du panais commun côtoient l’aster maritime, les fleurs roses de la bugrane épineuse, dite aussi “arrête-bœuf”, la guimauve officinale et les nuages de cerfeuil sauvage que survolent papillons et libellules. Les criques se succèdent… La Vrouwkenshoekkreek, la Blokkreek, la Boerekreek, sans doute l’une des plus connues, la Hollandersgatkreek ou encore avec la Oudemanskreek où trône une sculpture de l’artiste belge Chris Ferket intitulée Lorsque le renard prêche la passion, fermier, prends garde à tes oies.

Des pontons de bois permettent aux ornithologues d’observer au plus près nombre d’espèces. © DR

Le bac invite les piétons à franchir le canal Léopold. © Toerisme Oos-Vlaanderen

Rapaces, canards et oiseaux limicoles ont trouvé ici leur paradis. © Kendall Collett, shutterstock.com

Rapaces, canards et oiseaux limicoles ont trouvé ici leur paradis. © Wirestock creators, shutterstock.com

Rapaces, canards et oiseaux limicoles ont trouvé ici leur paradis. © Stephan Sprinz

Points de repère immanquables, les haies de peupliers mettent le canal Léopold sur la carte. Long de 46 kilomètres, il relie Bouchoute à Heist et fut creusé entre 1843 et 1854. Il a permis de réguler les inondations, d’éradiquer la fièvre des marais et d’irriguer les terres agricoles des alentours. Un bac pour piétons permet de le traverser si vos pas vous ont conduit sur ses rives.

Autres silhouettes amicales, celles de quelques clochers qui guidaient autrefois pèlerins et voyageurs. À Sint-Jan-in-Eremo, des espaliers et des pierres tombales du XVIe siècle encerclent les façades chaulées de la pimpante église dédiée à saint Jean-Baptiste. Plus imposante, l’église Notre-Dame de l’Assomption à Watervliet conserve des œuvres d’art de premier plan. Outre une statue de la vierge Marie par Lucas Fayd’herbe, des paysages peints par Joos de Momper et un retable attribué au Maître de Francfort, un artiste présent au Louvre, au Prado ou au Metropolitan, de quoi confirmer l’intérêt que peut susciter l’un des quinze plus beaux villages de Flandre, centre patrimonial du surprenant pays des criques.

Photo de couverture : Non loin de la côte belge, le pays des criques offre un paysage unique, propice à la randonnée. © De Meester Johan

ART[IST]MEETING

Arts & Culture

ART[IST]MEETING est un événement hybride mêlant rencontres physiques et plateforme numérique. Il permet aux amateurs d’art de découvrir les œuvres en présence des artistes, grâce à des présentations murales ou en open space.

Belgique, Knokke-le-Zoute

Du 22/08/2025 au 24/08/2025

Informations supplémentaires

Site

Publicité

40e anniversaire de la Fête des Plantes

Agenda

Avec l\’arrivée du printemps, nos jardins sortent doucement de leur léthargie hivernale et celui du château de Saint-Jean de Beauregard se prépare à célébrer les 40 ans de la désormais célèbre Fête des Plantes. Pour l\’occasion, le domaine mettra les petits plats dans les grands du 26 au 28 avril prochain.

France, Saint-Jean de Beauregard

Du 26/04/2024 au 28/04/2024

Tous les articles

Publicité

Tous les articles