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Rédaction

14 February 2017

© Celine Bozon

 « Il me semble que la misère/Serait moins pénible au soleil », chantait naguère Aznavour. La misère est omniprésente dans le film d'Alain Gomis, Félicité, présenté ce dernier week-end dans la compétition berlinoise, mais le soleil n'en atténue pas les effets pour l'héroïne éponyme du film, incarnée par une débutante sur le grand écran, Véro Tshanda Beya. A Kinshasa, Félicité se produit comme chanteuse dans un boui-boui de bas étage, lorsqu'elle apprend que son jeune fils a été victime d'un accident de la circulation et doit être opéré d'urgence. Tout le ressort dramatique du film repose sur la recherche désespérée de cette mère qui n'a pas un sou et s'acharne à trouver la somme nécessaire dans un contexte de santé publique forcément inefficace et corrompu.

 
 © Andolfi
 

Le film alterne des séquences réalistes qui relèvent à la limite de la technique du reportage, et des moments presque oniriques comme l'interprétation par une formation symphonique d'une partition musicale de style européen. On y trouve aussi des images nocturnes filmées dans la nature avec un éclairage manifestement insuffisant, et dont je ne vois pas le lien par rapport au récit. Félicité ne manque pas de gaucheries et de maladresses, mais le film nous touche par son amour du peuple congolais, et par l'interprétation nuancée, d'un naturel incroyable, que nous donne cette chanteuse qui – sait-on jamais – pourrait peut-être se retrouver en fin de festival avec une récompense pour une prestation d'actrice assurément hors normes.

 
© Parisa Taghizadeh 

En 1964, un jeune Américain riche et de bonne famille, qui s'est frotté aux milieux artistiques de la capitale française, se lie d'amitié avec le peintre et sculpteur Giacometti, qui lui propose de faire son portrait. James Lord, qui doit rentrer aux Etats-Unis, se persuade que les séances de pose prendront tout au plus une semaine. Giacometti se met au travail. Si les premiers jours passés dans l'atelier du peintre se passent agréablement, Lord ne tarde pas à découvrir que l'artiste, perpétuellement insatisfait, remet sans arrêt son travail en question. Giacometti esquisse, rature, corrige, change d'avis, détruit les ébauches pour repartir à zéro. Les séances se succèdent dans un climat croissant de frustration : d'un côté, un créateur pour qui chaque touche sur la toile aboutit à un ratage ; de l'autre, le modèle qui au fil des semaines, puis des mois, perd patience et enrage à l'idée de reporter constamment son retour. James Lord a tiré de son expérience un livre, A Giacometti Portrait, que le cinéaste américain Stanley Tucci a adapté dans un long métrage de 90 minutes (projeté hors compétition) intitulé Final Portrait.

 
 © Parisa Taghizadeh

On y découvre les diverses facettes de la personnalité du grand homme : tour à tour amical, dépressif, suicidaire, sarcastique, vindicatif, indifférent à l'argent, jouisseur, égocentrique, capricieux, tyrannique avec les femmes qui l'entourent. Giacometti est interprété par l'acteur australien Geoffrey Rush (rappelez-vous Le Discours d'un roi). J'ai trouvé que le jeu du comédien frôlait par moments le cabotinage, mais on répondra qu'il incarne un homme qui dans la vie quotidienne se donnait volontiers en spectacle. Les autres personnages de Final Portrait n'ont guère de dimension.Et la mise en scène de Stanley Tucci n'évite pas toujours les clichés sur la vie artistique à Montparnasse dans les années d'après-guerre (dès les premières minutes, la bande son nous fait entendre un air d'accordéon!). Au total, j'ai eu la même impression qu'avec le récent Mr Turner de Mike Leigh : ces films restent au niveau de l'anecdote et ne font qu'effleurer le mystère de la création. Seule exception, peut-être : Le Mystère Picasso de Clouzot.

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