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"Les fantômes", la vengeance dans la peau

CinémaFilmInterviewRéalisateur

Corinne Le Brun

21 August 2024

Avec “Les fantômes”, Jonathan Millet nous immerge dans l’intériorité d’Hamid, jeune chasseur de criminels de guerre syriens. Un film d’espionnage franco-german-belge inédit, très documenté et même inspiré de faits réels. Le réalisateur signe ici un polar d’espionnage d’une brûlante actualité géopolitique. Inédit, fascinant et intense il ne ressemble à rien d’autre. Il est aussi un très beau film sur le traumatisme, la soif de justice et la rédemption. “Les fantômes” fut présenté en ouverture de la Semaine de la Critique, au dernier Festival de Cannes. Rencontre avec Jonathan Millet, sur la Croisette.

Le jeune Hamid fut torturé par le régime de Bachar el-Assad. Surgi des geôles de Saidnaya, en Syrie, on le retrouve à Strasbourg, au moment des fêtes de Noël. Enigmatique, obligé de mentir, Hamid est un agent en mission : il fait partie d’une cellule secrète traquant les criminels de guerre syriens. Son objectif ? Mettre la main sur “le Chimiste”, son ancien bourreau. Sauf qu’il n’a jamais vu son visage. Le seul moyen de le retrouver, c’est écouter la voix.

Eventail.be – D’où vous est venu ce sujet apparemment éloigné de votre vie ?
Jonathan Millet – Depuis dix ans, je fais des documentaires sur l’exil et sur la migration. Mon nouveau projet s’intéressait aux réfugiés de guerre, aux blessures intérieures qu’on transporte avec soi dans l’exil. J’ai entendu beaucoup de témoignages extrêmement forts, extrêmement puissants, notamment de Syriens. Mais je ne trouvais pas d’endroit juste pour montrer frontalement la douleur. Et petit à petit, j’ai commencé à entendre parler de groupes secrets, de chasseurs de preuves, de gens qui veulent rendre la justice. Cette histoire m’a complètement emporté. J’essaie de filmer ce qu’on ne voit pas, le ressenti, la mémoire de la douleur ou des deuils.

© Films Grand Huit

– Qu’apporte la fiction au documentaire ?
Je ne les oppose pas du tout. La fiction était la meilleure manière de raconter exactement ce que je voulais dire, c’est-à-dire qu’est-ce qu’un trauma, comment on le porte avec soi et comment on peut, peut-être, à un moment, s’en remettre. Pour moi, dans ce cas précis, la fiction était la meilleure manière de rendre au plus juste la force des récits que j’ai entendus et la puissance de cette histoire. Et dans le fond, je travaille toujours en liant les deux. Les fantômes est une fiction qui vient complètement du réel.

– D’ailleurs, l’histoire que vous racontez est basée sur un ensemble de faits réels…
En fait, les personnages du film sont inspirés de plusieurs personnes que j’ai rencontrées et qui font partie de ces lieux. J’ai passé un an à me documenter pour pouvoir m’accorder un peu de liberté dans l’écriture. Par exemple, j’ai rencontré un professeur de littérature et de poésie à Alep, dont je me suis énormément inspiré pour le personnage d’Hamid. Sauf que lui ne faisait pas partie d’une cellule secrète. Et j’ai rencontré aussi un membre d’un groupe secret, qui avait perdu sa femme et sa fille, et donc ces deux personnages aujourd’hui n’en forment qu’un. Mon héros est exactement entre ces deux figures. Avec Adam Bessa (le premier rôle, ndlr), nous avons travaillé sur la gestuelle, sur le regard, l’olfactif… Je n’ai pas voulu faire un film spectaculaire.

© Films Grand Huit/Kris Dewitte

– Ces cellules secrètes ne sont pas vraiment connues du grand public…
Effectivement. Il y a quatre ans, lorsque je commence à travailler sur le sujet, je rencontre des premiers groupes. Des gens acceptent de témoigner anonymement. Mais les premières arrestations des criminels de guerre du régime ont eu lieu il y a trois ans. Et, du coup, aujourd’hui, l’histoire des cellules secrètes commence à se faire connaître. Je ne trahis pas un secret puisque dans le fond, ces premières arrestations ont raconté l’existence de chasseurs de preuves qui se regroupaient pour essayer de retrouver la piste des criminels de guerre. Deux procès se sont tenus en Allemagne et, récemment, à Paris. C’est un grand pas pour la justice en Syrie et pour toutes les victimes de Bachar al-Assad.

– Peut-on dire qu’Hamid est un espion?
Un espion doit mentir sur lui-même, sur son nom, sur son passé, donc il doit avoir une légende. Mais Hamid est un espion qui n’a pas été formé, il le devient du jour au lendemain. C’est un personnage qui prend des risques puisqu’il ne peut pas raconter les vraies raisons de sa présence. L’intrigue des Fantômes pose de vraies questions de cinéma, pour le réalisateur et pour les spectateurs. En faisant commencer l’histoire dans une bibliothèque à Strasbourg, le film s’inscrit tout d’abord dans une normalité pour mieux tromper le spectateur et finir par nous raconter des années de géopolitique au Moyen-Orient.

Les fantômes véhicule-t-il un message politique?
En quelque sorte, oui. Le film se passe en 2016, au moment où l’Allemagne, notamment, accueille énormément de Syriens. Les autorités allemandes ont transformé des gymnases en camps d’accueil. J’ai surtout voulu raconter que chaque exilé a son propre parcours, à qui on peut s’identifier. Qu’une personne sur dix peut un peu changer la face du monde, en œuvrant. C’est très fort. Soit c’est la vengeance et la loi du Talion, soit on passe par un procès.

Photo de couverture : © Films Grand Huit/Kris Dewitte

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Informations supplémentaires

Film

Les fantômes

Réalisation

Jonathan Millet

Distribution

Adam Bessa, Tawfeek Barhom

Sortie

En salles

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