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Rédaction

18 December 2019

© DR

Mère de deux enfants, elle mène de front son projet, une grossesse non voulue et un ex-mari envahissant (Thomas Scimeca) dont elle a du mal à se débarrasser. La place des femmes, la peur de la rupture, du changement, et la violence de la ville nourrissent cette comédie virevoltante où on se prend littéralement des claques. La réalisatrice - et actrice - aborde ces thèmes avec poésie, légèreté et un ton décalé. « Notre dame » nous plonge dans un récit qui sautille à toute allure, à coup d'invraisemblances et de fantaisies. Rencontre avec Valérie Donzelli au Festival International du Film Francophone de Namur.

L'actrice et réalisatrice Valérie Donzelli
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Eventail.be - Notre-Dame de Paris a brûlé le 15 avril 2019. Votre film est-il prophétique ?
Valérie Donzelli - Le tournage a été fait bien avant. Je savais que je racontais une histoire sur une star qui est Notre-Dame de Paris mais je ne pensais pas qu'on en parlerait autant. Si le film était sorti la semaine après la catastrophe, c'aurait été très problématique. Je pense que, aujourd'hui, les spectateurs seront heureux de voir Notre-Dame telle qu'elle était. Comme tout le monde, j'ai une angoisse de la mort. Les films m'apaisent dans le sens où ils restent. Ma mère est morte quinze jours avant la projection à Cannes de « La guerre est déclarée » (2011). J'étais dans tous mes états. J'ai réalisé le documentaire « Le cinéma de maman » où, par le cinéma, je récupère ce deuil de ma mère en faisant d'archives de films super huit qu'elle avait faits toute sa vie. Si je fais des films, c'est pour ne pas mourir. Et « Notre dame » en est l'illustration. J'ai fait le montage après l'incendie. J'avais l'impression d'être maudite car la probabilité que la cathédrale brûlait était inimaginable. Presque par instinct, je voulais mettre en relation la fantaisie de Maud voulant restaurer le parvis et l'incendie de Notre Dame. Pleins de projets, de maquettes étaient montrées pendant le montage du film. Cette coïncidence m'a bouleversée. Pour le coup, le film est ancré dans l'histoire et l'actualité.

- Vous sentez-vous engagée dans sa reconstruction ?
- Restaurer le patrimoine culturel, c'est important. On a récolté un milliard d'Euros pour la reconstruction de Notre Dame. Or elle n'en a besoin que de 600 millions, je ne sais pas ce qu'on va faire des 400 millions. Je crois que c'est assez fou parce que, au même moment, des communes ont beaucoup moins d'argent pour la sauvegarde de leur patrimoine. Mon père et grand-père, artistes peintres, ont restauré des églises, des fresques en Lorraine, après la guerre. Ils n'arrivent plus à le faire, faute de subventions. Il y a des stars et les autres, comme dans tout. Des toits d'édifices et d'églises sont arrachés à cause des tempêtes, des peintures sont en train d'être détruites car on ne peut pas les restaurer. Cela fait mal au cœur.

- Notre dame avec un petit d, c'est l'architecte Maud Crayon... Une héroïne ?
- Je trouvais cela assez amusant qu'une femme soit entre deux « ex », un concept assez peu montré au cinéma. Maud incarne le chaos d'une femme d'aujourd'hui qui fait beaucoup de choses. Elle travaille, elle essaie d'aimer dans le chaos d'une ville qui est traumatisée de ce qu'elle a vécu. À Paris, il y a une nouvelle violence, une pauvreté grandissante, les gens dorment dehors. Ce sont deux chaos, de la femme et de la ville, qui s'affrontent. Le film raconte comment Maud réussit à essayer de joindre les deux bouts. Et, finalement, plus son chaos personnel va s'apaiser plus la ville va s'adoucir. Le parallèle entre Maud et Paris m'a intéressé.

Les acteurs Claude Perron, Phiilppe Katerine et Valérie Donzelli dans le film Notre dame de Valérie Donzelli
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- Maud et ses « ex » vivent dans une précarité matérielle et affective...
- J'ai fait le film en 2016, après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. Paris a changé après cette année-là. « Notre dame » raconte cette transformation de la ville. Je suis arrivée à Paris à 19 ans. Ce n'était pas le Paris que je connais aujourd'hui. Evidemment, toutes les villes changent. Mais 2015 a été la bascule vers la vraie précarité des gens, vers la violence. L'anxiété est encore perceptible. On a peur de perdre des choses. On ne sait pas ce qu'on va gagner et il faut aussi accepter d'en perdre. On s'accroche aussi à des choses affectives. Les gifles, les claques que l'on donne dans le film sont symboliques d'une agressivité. Les gens sont à cran, ils n'en peuvent plus. Ils s'engueulent sur des queues de poissons dix fois plus qu'avant. On est tous angoissés. La première peur des jeunes aujourd'hui, c'est d'être SDF.

- Maud Crayon porte toujours le même vêtement à carreaux. Pourquoi ce choix ?
- J'ai pensé le film comme une bande dessinée avec des cases. Du coup, j'ai voulu que Maud Crayon soit une espèce de petite figure vêtue d'un costume marquant comme Bécassine ou comme Tintin. On s'attache à cette sorte de look. Maud est très structurée avec sa coupe au carré et sa tenue à carreaux. On pourrait presque en faire un porte-clés.

L'actrie Valérie Donzellii dans le film Notre dame dont elle est aussi la réalisatrice
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- Après « La guerre est déclarée », vous revenez à la comédie. Un registre que vous préférez ?
- La comédie met une pudeur sur les choses et permet d'aborder des tas de sujets. Je me sens à l'aise dans les comédies. J'aime faire des films un peu décalés. Et c'est difficile de les décaler en n'étant que dans le drame. « Notre dame » est un film multi-facettes.

Notre dame
de et avec Valérie Donzelli
Avec Thomas Scimeca, Bouli Lanners, Pierre Deladonchamps, Philippe Katerine, Samir Guesmi
En salle le 18 décembre 2019
Maison Bonnet, lunetiers sur-mesure

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