Corinne Le Brun
10 July 2024
Sebastien Berlendis © Fabien Muscio
Roccabianca, dans la baie de Gênes. Le narrateur – Sébastien Berlendis – flâne dans la petite station balnéaire de son enfance. Il ne quitte pas des yeux les photographies de ses parents, alors jeunes et beaux sur la plage. Il se fraie un chemin sur le lungomare (front de mer) à la recherche du beau, entre passé et présent. Son Rolleiflex en bandoulière, il y retrouve Annabella, son amoureuse. Ils aiment regarder la plage et ses rangées de parasols jaunes, s’émouvoir de la tendresse d’une maman avec son bébé face à la mer. Les façades disloquées de palaces mal entretenus les attendrissent. Lungomare invite à une balade entre songe et fantasme dans le cœur battant de cette côte italienne romanesque. Les mots, précis, sonnent prodigieusement juste dans ce récit court et intense.
Clara Ysé © Smith
Qu’il est exaltant de se plonger dans la poésie ! On connaît sa voix douce, intense, singulière. Dès l’âge de quatre ans, Clara Ysé déchiffrait les notes de musique avant même les lettres de l’alphabet. C’est dire. La jeune auteure-compositrice-interprète navigue entre musique et poésie. Clara Ysé élève plus haut encore la magie des mots au fil de 83 poèmes. Une première. Les vers sonnent comme des refrains. Comme un hymne à la vie. Comme un cri d’amour (à sa mère, la philosophe Anne Dufourmantelle, disparue tragiquement le 21 juillet 2017, ndlr). L’épigraphe d’Ingeborg Bachmann « Toute personne qui tombe a des ailes » annonce un combat entre la chute et l’ascension. Clara Ysé s’avance: « Je fais partie de celles qui ne tombent pas. » Une promesse des lumières.
À 58 ans, Philippe Torreton se fait plus discret au cinéma. Mais il devient coutumier des rayons de librairie. Dans ce dernier roman, il raconte la descente aux enfers d’Albert Stefan. La récompense d’un César ne changera rien : le jeune acteur prometteur est outrageusement délaissé par le cinéma. Philippe Torreton et son double ? S’il s’inspire de « quelques péripéties personnelles », l’auteur-acteur imagine Albert Stefan endossant une nouvelle identité. Mais oui, comme Emile Ajar, pseudonyme sous lequel Roman Gary a remporté un second prix Goncourt (La vie devant soi, 1975). Nous voilà plongés dans la course effrénée d’un mystificateur en quête de reconnaissance. La supercherie est palpitante, redoutable. Philippe Torreton connaît bien le milieu du cinéma, « cynique et vaniteux ». Il nous le restitue avec panache et ironie.
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