JC Darman
11 September 2024
Décidément, ces dernières semaines on aura beaucoup entendu parler de l’implacable vengeance et du châtiment impitoyable que le comte de Monte-Cristo fait subir aux auteurs de la trahison qui détruisit la vie d’Edmond Dantès. En raison sans doute du succès remporté cet été par le film dont un magistral Pierre Niney tient la vedette (plus de huit millions d’entrées rien qu’en France depuis sa sortie fin juin). Il est vrai que le roman d’Alexandre Dumas constitue une des œuvres le plus adaptées au cinéma, à la télévision et, dans une moindre mesure, au théâtre et en musique. Il y eut aussi des bandes dessinées, des moutures parodiques, des versions modernes et même une comédie musicale (avec Philippe Clay, rodée en 1965 à Bruxelles avant de connaître une brève carrière à Paris). L’adaptation théâtrale d’une histoire à ce point foisonnante et habitée de tant de péripéties se déroulant en l’espace d’une vingtaine d’années présente énormément de difficultés.
Au Parc, Thierry Debroux est parvenu à en réaliser une version très adroite. En tout cas, elle facilite l’accès au lacis d’intrigues de l’œuvre et surtout cerne avec clairvoyance l’évolution de l’univers mental du héros qui réalise peu à peu, mais trop tard, à quel point l’exécution de sa vengeance s’avère une damnation aussi monstrueuse et douloureuse que l’injustice qui l’avait suscitée. Un sujet qui ne manque hélas pas d’actualité. De la mise en scène, également assumée par Thierry Debroux, se dégage une sorte d’effet de distanciation, partiellement dû sans doute à une fonction de lecteur-commentateur attribuée à Guy Pion. Ce talentueux interprète tient encore deux autres rôles : celui du père d’Edmond Dantès qui mourra de chagrin et celui de l’abbé Faria, compagnon d’infortune d’Edmond dans les prisons du Château d’If.
© Aude Vanlathem
Faria constitue une figure clé de l’œuvre puisque c’est lui qui révèlera à Dantès la cachette d’une fortune colossale qui lui permettra de devenir le tout puissant comte de Monte-Cristo. Itsik Elbaz incarne le personnage central tellement évolutif qui passe de jeune officier de marine éperdument amoureux à détenu dans une geôle immonde, avant de devenir l’homme le plus riche du monde obnubilé de vengeance . Elbaz doit forcément interpréter aussi l’abbé Busoni et Lord Wilmore, des personnages inventés par Monte-Cristo en lesquels il se déguise pour élaborer sa vengeance. C’est dans le côté froid, impassible et déterminé de justicier qu’Elbaz se montre le plus convaincant ; moins dans les scènes de pure émotion.
© Aude Vanlathem
Il en va un peu de même pour Anouchka Vingtier qui incarne Mercédès, l’amour d’Edmond Dantès. Elle le croyait mort et est seule à le reconnaître immédiatement dans le comte de Monte-Cristo. C’est dans les scènes où elle veut protéger son fils qu’elle est la plus émouvante. Autre rôle féminin, celui de Haydée (Tiphanie Lefrançois), fille du dernier souverain de Janina et princesse grecque qui sera vendue comme esclave. Sauvée par Monte-Cristo, elle lui restera fidèle et loyale. Dans le clan des méchants, on trouve d’abord Fernand de Morcerf. Amoureux de Mercédès, sa jalousie et son ambition le pousseront à poster la lettre calomnieuse à l’origine de tous les malheurs d’Edmond dont il était pourtant censé être le meilleur ami. Il épousera Mercédès avec laquelle il aura un fils. Ancien marin pêcheur, ses trahisons lui permettront de devenir général et comte. L’interprétation du rôle par Nicolas Ossowski reflète fort bien la conception de l’archétype du traitre.
© Aude Vanlathem
Autre scélérat, l’ambitieux Danglars, auteur de cette fameuse lettre dénonçant Dantès comme bonapartiste (Louis XVIII est alors au pouvoir). Ancien comptable, il deviendra baron et banquier opulent. Monte-Cristo anéantira son fallacieux honneur et sa fortune bâtie sur la corruption et l’immoralité. Le rôle a été confié à Benoît Verhaert qui rend adroitement le personnage haïssable. Enfin, il y a Jean-Philippe Altenloh dans la personne de l’odieux Gérard de Villefort, procureur du Roi. Sans doute la personnalité la plus détestable puisque capable d’enterrer vivant son fils adultérin nouveau-né. La présence scénique d’Altenloh est imposante. Le dispositif de scène, les éclairages et les projections sont remarquables, notamment une sorte de théâtre d’ombres chinoises sur une galerie surélevée en fond de scène d’un effet surprenant ; le plateau du Parc se retrouve illuminé de variations sur la couleur noire qui auraient été inspirées par l’œuvre du peintre Pierre Soulages récemment décédé.
Une belle histoire d’amitié, d’amour, de trahison, de vengeance et de rédemption à voir au Théâtre Royal du Parc jusqu’au 19 octobre.
Photo de couverture : © Aude Vanlathem
Pièce
Le comte de Monte-Cristo, d’après le roman d’Alexandre Dumas
Dates
Jusqu’au 19 octobre
Adresse
Théâtre Royal du Parc
Rue de la Loi, 3
1000 Bruxelles
Billeterie
Sur internet
Publicité