Thomas de Bergeyck
05 June 2025
C’est un 5 juin en 1662 que ce souverain de toutes les folies, qui se voulait immortel choisit d’accaparer le soleil pour en faire son emblème. Visiblement, Louis XIV n’était pas fait pour l’ombre. Il voulait rayonner, éblouir. Il choisit le soleil parce que c’est l’astre autour duquel tout tourne, parce que c’est lui qui fait fleurir les jardins, fondre les glaces … et tomber les robes. Du grand Louis, qui en vit passer, au point d’avoir eu … 22 enfants.
Louis XIV © DR/Shutterstock.com
Le quotidien de ce roi hors normes va devenir très vite réglé comme les rayons de l’astre : depuis le lever, où le roi-soleil “apparait” au bout de son lit. Vingt courtisans se battent pour lui tendre sa chemise, six autres pour la serviette, et deux pour lui demander la pluie sur leur province. Versailles est un grand théâtre muet où l’on joue pour un seul spectateur. J’y suis allé il y a quelques jours. Se retrouver dans la chambre royale a quelque chose de déroutant : le lieu est barré d’un balcon à colonnades. Comme s’il fallait prendre ses distances avec cet être trop lumineux. Un “soleil” cela dit qui, contrairement à l’argent, à de l’odeur. Car le Roi ne se lave pas. Ou si peu. Un bain par an, peut-être, mais entouré de tissus, de parfums et de précautions. Son corps est couvert de poudres, de mouches et d’effluves de musc. Quand il passe, on s’incline et on retient sa respiration, par révérence et par prudence olfactive. L’astre royal est gourmand aussi : Louis aime manger. Longtemps. Abondamment. Il adore les artichauts, le jambon, les truffes et les melons. Il les collectionne, les fait venir de Cavaillon et les savoure comme des aphrodisiaques. On raconte aussi qu’il préférait les œufs durs non écalés, par défi.
Versailles, là où le Soleil se lève, et se couche © DR/Shutterstock.com
Tout souverain en or massif qu’il est, l’homme reste fragile. Son corps, d’ailleurs, est un champ de bataille. Il perd ses dents très tôt, souffre de fistules, d’abcès, de gangrènes. Son chirurgien, Félix, doit l’opérer à vif, sans anesthésie, devant une foule de curieux. Le Roi encaisse. Il ne crie pas. Il rayonne. C’est ça, être Soleil après tout ! Une passion pour la brillance qui éblouit jusqu’aux dames de la Cour : la Montespan, la Maintenon, la Vallière, sans parler des cousines, des nièces. Chaque nuit à Versailles, le Roi joue à cache-cache avec les apparences, traverse des corridors secrets pour rejoindre l’une ou l’autre qui lui a fait les yeux doux. Le plaisir de la chair est tendre.
La chambre du Roi, à Versailles © DR/Shutterstock.com
Cela fait 310 ans que le Soleil s’est couché, éteint pour de bon dans la chambre royale du château versaillais. Le 1er septembre 1715, à 8h15, le corps entièrement rongé par la gangrène, Louis referme un règne de 72 ans. Un record pour cet homme ambitieux qui est parvenu, un peu, à effleurer l’éternité.
Publicité
Publicité