Thomas de Bergeyck
30 September 2024
Avec le pape François, chacun en a eu pour son argent. Les laïques, qui ont pu à foison critiquer sa présence, comme un végan hurlerait sur le prix de la viande. Et puis les autres, qui ont plutôt pris sa visite pour une belle occasion d’ouvrir des réflexions.
© Didier Lebrun/Photonews
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La première ? Elle touche au cœur ceux qui ont souffert des prédateurs sexuels agissant au sein même de l’institution ecclésiale. Certes, le Pape n’a pas demandé pardon au nom de l’Église. On pourrait le regretter. Mais il a condamné ces actes, dénoncé ces ignominies et demandé que les victimes soient accompagnées jusqu’au bout de leur chemin de guérison, et les auteurs punis lorsqu’il en est encore temps. L’autre pomme de discorde concernait la place des femmes dans la société. Avec pour théâtre l’Aula Magna de Louvain-La-Neuve, il a d’abord marqué quelques points dans ce contexte où l’on assène sans cesse que les femmes n’ont aucune place prépondérante dans la vie catholique. Oui, les femmes « sont plus importantes que les hommes » dit-il. Bien. Ensuite, patatras. Il ajoute que, je cite, « c’est moche quand une femme veut faire l’homme ». Maladroit, François ? Certainement. Mauvais, François ? En aucune manière.
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Et si l’on acceptait plutôt qu’aujourd’hui, l’Église peut s’enorgueillir d’un souverain humain, loin de l’exégèse des textes bibliques et de la doctrine de la Foi, davantage préoccupé par le sort de l’humanité dans ce qu’elle a de plus fondamental ? La vie, la mort, la pauvreté, les guerres et les migrations. François aurait des bottes qu’elles seraient crottées de terre, tant il arpente nos vies. Cet homme-là, dans une bonté évidente, secoue les consciences et parfois, trébuche faute de digressions de politesse. Il est cash, François. Et ce discours doit être loué. Le Pape qui est venu nous voir, c’est l’homme de la surprise permanente. Il entend parler d’un groupe de jeunes en prière durant tout le weekend ? Il débarque sur scène, pour leur dire un petit mot ! Il discute avec des étudiants louvanistes, fiers de lui présenter une calotte pleine de pins ? Le Pape la met sur sa tête ! Chaque bébé qui passe entre ses mains reçoit une bénédiction … et un chapelet. Cela dure 20 secondes, mais pour toute la famille de l’enfant, cet instant est gravé pour des années. Le Pape, grand artiste de l’âme, sait aussi soigner sa sortie. L’apanage des grands. À la fin de la messe géante au stade roi Baudouin, c’est justement à lui qu’il a pensé. À Baudouin. La veille, il se recueillait sur la tombe de ce roi dont il a tant entendu qu’il était « d’essence sainte », homme de foi priant chaque matin avant toute activité. Le Pape qui a évoqué la conscience de ce chef privé de descendance, refusant de signer un texte autorisant l’avortement. Pour ce faire, il cessera de régner durant quelques heures, le temps de faire passer le texte – on connait l’histoire. François a salué le geste.
© Didier Lebrun/Photonews
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En fait, ce weekend lui a sans doute permis de cogiter un final inattendu : François a déclaré durant la messe, et en présence d’Albert – le propre frère de notre cinquième roi – qu’à son retour, il entamerait le processus de béatification. Demandant dans la foulée « aux évêques belges de s’engager pour que cela puisse être réalisé ». Alors bien sûr, on est loin encore de prier Saint-Baudouin, car la cause en béatification peut être un processus très long. La preuve : la fameuse Anne de Jésus, béatifiée dimanche a patienté … 412 ans ! Et puis il faut encore lancer un procès, au cours duquel l’avocat du diable va contester le bien-fondé du principal intéressé. Puis il faut prouver au moins un miracle, avant de passer la seconde, et lancer la canonisation. Cela dit, j’ai déjà eu l’occasion de vous le raconter, l’Église a au moins un témoignage « digne de foi » d’un certain Francis (le bien-nommé) qui, après avoir répondu à une question du roi Baudouin au cours d’une visite royale, a cessé pour toujours de bégayer ! Croyez-le-bien, l’enquête qui sera ouverte sera très sérieuse. Longue aussi. Mais n’oublions pas qu’aujourd’hui, les croyants prient les saints comme ils prient les “simples” bienheureux. Et pour nous, ce serait déjà … un miracle.
Photo de couverture : © Olivier Hoslet/Pool/Photo News
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